L’institution des marguilliers sur Avessac

On entend encore parfois parler, sur la paroisse d’Avessac, de « marguilliers », faisant la quête et portant la croix à la procession de la « grand-messe » du dimanche. On vous montrera alors peut-être une tabatière qu’on garde précieusement dans la famille comme étant celle que le père avait lorsqu’il exerçait la fonction de marguillier et on vous parlera aussi de l’amitié inébranlable qui unissait ceux qui l’avaient été ensemble et du repas qu’on prenait à la cure au moment de la passation de la charge.

Le dictionnaire nous donne cependant une définition très différente de la fonction. Le terme viendrait du latin « matricularis », celui qui tient les registres, et aurait désigné autrefois les membres du Conseil de Fabrique d’une paroisse. Une seule certitude: entre définition officielle et tradition orale, la fonction se rapporte toujours au fonctionnement de la paroisse.
Revenons donc en arrière pour voir ce qu’il en était autrefois et voyons comment la fonction a évolué au cours des temps.

L’ institution avant la Révolution

La paroisse d’Avessac a encore la chance de posséder un document très intéressant, de nature à nous éclairer sur la fonction de marguillier sous l’ Ancien Régime: « Le Registre des délibérations du Général de la paroisse d’Avessac ». Conservé entre 1776 et 1789 il apporte de nombreuses informations sur le fonctionnement de la paroisse et les actions engagées par le « Général ».
Cette dernière institution est chargée de gérer les intérêts de ladite paroisse. Il forme un « corps politique » et joue le rôle du conseil municipal d’ aujourd’hui. Il délibère sur différents sujets: entretien de l’église, du cimetière ou encore, celui des chemins. Il désigne également des responsables pour différentes fonctions.

Le Général se compose du recteur (ou curé de paroisse), des représentants de la seigneurie paroissiale à savoir, le sénéchal qui préside et le procureur fiscal, ainsi que d’ « honorables gens », pris dans la population, un par frairie sans doute, même si le « Registre » ne nous éclaire pas bien sur ce point. Ces membres, représentant la population, sont renouvelés en partie tous les ans par cooptation.
Il faut noter que la trève de Saint-Nicolas, détachement de la paroisse d’Avessac possède déjà à l’époque sa propre organisation.

Le Général se réunit, à l’époque, 4 à 5 fois par année à la sacristie après la grand messe du dimanche. Il désigne par scrutin, chaque année, parmi les personnes capables de la paroisse: 2 marguilliers (ou membres de fabrique), 2 collecteurs du Vingtième et 12 égailleurs, un par frairie. Les marguilliers forment donc, sous l’ancien régime, le bureau exécutif du Général. Ils gèrent les affaires de la paroisse au quotidien, engagent les travaux décidés et rendent compte au Général. Les collecteurs du Vingtième collectent le Vingtième, impôt direct créé en 1749 tandis que les égailleurs, répartissent, dans leurs frairies les autres impôts, taxes et corvées. Cette dernière fonction nécessite à la fois d’être juste et d’avoir de l’autorité.
Toute cette organisation disparaît avec la Révolution, la création des communes et la mise en place des conseils municipaux.

Organisation paroissiale au XIXème siècle

Avec le Concordat signé en 1801 entre Napoléon Bonaparte, premier Consul et le pape Pie VII, se met en place une nouvelle relation entre l’Etat et l’Eglise. Chaque paroisse se dote alors d’un « Conseil de Fabrique » pour gérer le temporel.
En sont membres de droit : le recteur, comme représentant de l’Eglise et le maire pour les pouvoirs publics. Les autres membres sont choisis par cooptation parmi les notables catholiques habitant la paroisse. On les nomme « fabriciens » ou « marguilliers ». La présidence du conseil est assurée par l’un d’eux ou par le recteur de paroisse.

En 1905 est votée la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les Conseils de Fabriques disparaissent. On les remplace alors, plus tard, par des Conseils paroissiaux ou Conseil Economique que préside le recteur ou curé de paroisse. On parle encore, pendant un certain temps, de fabrique et de fabriciens. Ces derniers ont d’ailleurs leur place à l’église et on peut encore s’amuser à retrouver parmi les bancs, la plaque portant l’inscription « Banc de la Fabrique » et qui marquait autrefois celui qui leur était attribué.

                                                     Plaque de fabrique dans l’église

Les marguilliers au XXème siècle

Le terme de marguillier, après 1905, disparaît dans la plupart des paroisses, sauf dans certaines, comme celle d’Avessac. Mais il prend alors chez nous une toute autre signification. Les marguilliers ne sont plus ceux qui participent à la gestion de la paroisse mais ceux qui font la quête du dimanche. La fonction perdure sous sa forme initiale jusque dans les années 1970.

Deux marguilliers assuraient la première messe, deux autres la seconde et deux autres encore la « grand-messe ». Une première quête, en fait, était faite avant l’homélie par la « chaisière ». On se souvient encore aujourd’hui de la mère Agnès Guérif et d’ Angèle Tessier qui fut la dernière à exercer la fonction. Elles avaient pour mission d’encaisser le prix qu’on devait payer pour s’ asseoir sur une chaise de l’église. On acquittait en effet sa place ou alors on restait debout au fond. Certains, cependant, apportaient un tabouret qu’ils empruntaient parfois au café du coin. La « chaisière » rendait même la monnaie. Les marguilliers, eux, étaient chargés de la seconde quête, celle de l’offertoire, correspondant à l’offrande des fidèles. Ils se chargèrent ensuite, également, de la première, lorsque Angèle Tessier cessa d’assurer sa fonction, mais sans rendre la monnaie!

Les marguilliers étaient chargés également de tenir la croix et la bannière paroissiale pour la procession au début de la « grand-messe ». De même faisaient-ils pour la fête Dieu et les trois jours des Rogations.

Il était une tradition, également que les marguilliers se devaient de respecter. En prenant leurs fonctions, ils se procuraient une tabatière à priser afin de proposer la prise aux hommes durant la quête. On entendait alors dans l’église de grands « atchoum »qui rythmaient l’office!

Le curé choisissait lui même chaque année six nouveaux marguilliers. Il allait chercher, dans le bourg et dans les campagnes ceux qu’il souhaitait voir occuper cette fonction. La passation se faisait généralement en début d’année. C’était l’occasion, au temps du père Rondeau, curé de 1945 à 1959, d’un repas à la cure, offert par la paroisse, entre anciens et nouveaux marguilliers. L’usage se perdit ensuite avec l’abbé Dugast.

On restait ensuite, quand on avait été marguillier ensemble, amis pour la vie. On continuait de se voir régulièrement et on s’invitait notamment pour les repas de boudins quand on avait tué le cochon.

L’institution des marguilliers sous cette forme, perdura à Avessac jusqu’au départ de l’abbé Dugast en 1976. Plus tard Charles Hureau eut l’idée de remettre sur pied un groupe d’hommes, par équipe de quatre, chargés de faire la quête à la messe du dimanche . Ce groupe existe toujours. Ceux qui en font partie s’organisent entre eux pour assurer ce service, chaque fois que la messe a lieu le dimanche à l’église d’Avessac. L’un d’entre eux se charge d’établir le planning sur l’année, à charge pour chacun de se faire remplacer s’il ne peut assurer son tour de quête. On les voit encore après la quête venir ensemble devant l’autel et attendre debout l’offertoire pour déposer ensemble leurs corbeilles. On les appelle encore parfois marguilliers. Ils en sont en tout cas les héritiers.