Les seigneuries d’Avessac

Avessac comptait sous l’ancien régime trois grandes seigneuries: le Pordor, la Châtaigneraie et Penhouet. De ces trois là en dépendaient d’autres, plus petites, qu’on découvre occasionnellement à la lecture d’actes anciens.
De souvenirs, ces seigneuries n’en laissent guère. Leurs noms se réfèrent aujourd’hui bien d’avantage à des exploitations agricoles, ou à des villages, qu’à des demeures remarquables. Il faut dire d’ailleurs qu’elles n’ont plus, à la veille de la Révolution, qu’une existence théorique, toutes annexées qu’elles sont aux trois grandes seigneuries précédemment citées.

Leurs origines: IXème, Xème siècle

Pour comprendre leur existence, il faut remonter très loin dans le temps: fin IXème, début Xème siècle. Alors que les vikings ravagent encore nos contrées, et que les pouvoirs centraux, tant en Bretagne qu’en Francie occidentale, peinent à s’imposer, s’installe en réponse un système qui crée des liens de dépendance d’homme à homme basés sur la suprématie des classes guerrières. C’est le régime féodal.
L’homme libre, pour assurer sa sécurité, accepte de se mettre, avec les siens, sous la protection d’un autre plus puissant. Il en devient le vassal et lui promet fidélité et services. Son nouveau maître, ou suzerain, lui accorde alors en échange un fief, une terre, le plus souvent, sur laquelle il pourra s’installer. Si le service est d’ordre militaire, la terre devient noble. De cette époque, ne subsiste, pour Avessac, aucune trace écrite.
Les siècles passent, le pouvoir royal est restauré en France, le monde économique évolue et le régime féodal perd de son importance, surtout à partir du XIIIème siècle. N’en demeure pas moins la coutume féodale, faite de droits et de devoirs, qui subsistent de manière immuable jusqu’à la Révolution, et le fief, devenu seigneurie, si la terre est noble à l’origine.

Les grands ensembles issus de l’époque féodale

Il convient de resituer les trois grandes seigneuries dans leur environnement féodal:

-Penhouêt relève directement « a foy et hommage » de Derval, seigneurie érigée en baronnie en 1451 par Pierre II, duc de Bretagne, en faveur de Jean de Malestroit, sire de Derval. Unie par la suite à la baronnie de Châteaubriant, celle- ci perd peu à peu de son importance. Reine-Marguerite Butault de Marzan, duchesse de Lorge et dame du Pordor, en rachète, dans la seconde partie du XVIIIème siècle, les droits seigneuriaux liés à la partie avessacaise.

Penhouet a droit de haute, moyenne et basse justice. Plusieurs familles seigneuriales s’y succèdent: les Penhouêt jusqu’au XVIème siècle, puis les Lebel, les Trévenec, et les Maudet de Penhouêt qui en sont seigneurs au moment où éclate la Révolution.


-Le Pordor et la Châtaigneraie relèvent, elles, en partie de la seigneurie de Fresnay sur Plessé, érigée en Baronnie par Jean V, duc de Bretagne en 1440. Les choses, cependant, ne sont pas si simples. Le Pordor, par exemple, rend aveu également à Derval et Saint-Sauveur de Redon pour une partie de ses fiefs. Nous verrons plus loin les raisons d’une telle complexité. Nos deux seigneuries, indépendantes l’une de l’autre à l’origine, se retrouvent réunies en 1683 par Gilles Butault de Marzan, seigneur de la Châtaigneraie qui rachète à cette date le Pordor à sa cousine Judith Le Breton de Villandry. L’une et l’autre ont droit de haute, moyenne et basse justice.

Sources écrites et bibliographie utilisées

Différents actes écrits peuvent nous aider à retrouver la trace des différentes petites seigneuries d’Avessac. Ils sont relativement récents, XVIIème, XVIIIème siècle, très postérieurs à l’époque médiévale mais indiquent toujours les droits et devoirs liés à l’époque féodale.

Citons tout d’abord un document retrouvé aux archives de la paroisse et qui par l’usage qui en a été fait n’avait semble-t-il plus guère d’importance au moment de son réemploi. Il s’agit d’un avis imprimé de 1781 pour la mise à ferme des revenus liés aux terres et seigneuries dépendant de Monsieur de Mauger, seigneur du Pordor et de la Chasteigneraye, et qui sert tout simplement de couverture papier au « registre des délibérations du Général de la paroisse d’Avessac » pour les années 1779, 1780 et 1781! Ce document nous révèle en fait une liste de douze « terres et seigneuries » sur lesquels Monsieur de Mauger possède des droits seigneuriaux: le Pordor, la Châtaigneraie, Lanvaux, Treignac, Trélican, la Ville-Orion, le Dresneuc en Tesdan, la Rouardais en Rotz, Peinhoüet, Rénihel, la Bigotais et la Rivière Lanvaux. L’avis parle bien de « terres et seigneuries », mais parle aussi plus loin de douze seigneuries différentes. Ce qui laisse bien supposer que les douze terres nommées sont bien toutes seigneuries.

                                            Avis de 1781 réemployé en couverture de registre


Le Pordor, la Châtaigneraie et Penhouêt nous sont déjà connues comme grandes seigneuries. Si Monsieur de Mauger n’est pas seigneur de Penhouêt, qui appartient à la famille Maudet de Penhouêt, il en est, en revanche, suzerain comme détenteur sur Avessac des droits de l’ancienne baronnie de Derval rachetée précédemment par la duchesse de Lorge. Reste donc neuf noms. Quatre nous sont connus et correspondent aujourd’hui à des fermes ou villages de la commune. Il s’agit de Rénihel, la Bigotais, où subsiste un manoir, Trélican et Treignac.

Cinq autres noms, en revanche nous interrogent d’avantage: la Ville-Orion, Lanvaux, le Dresneuc en Tesdan, la Rouarday en Rotz et la Rivière Lanvaux. Ces noms là nous semblent plus difficiles à localiser sur le secteur.

Sont consultés également d’autres actes, documents anciens et inventaires. Ils nous confirment le rang seigneurial de ces terres et nous en révèlent encore d’ autres. Gavressac, par exemple, est signalé comme seigneurie dans un acte de 1786 appartenant au fond Ricordel.

Reste enfin la lecture de différents auteurs traitant d’ histoire locale. Ils peuvent confirmer ce que nous savons déjà et nous apporter d’autres informations. Ainsi découvre-t-on les seigneuries de Château-Chevreuil (Saut du Chevreuil) et d’Escarret.

Ce que deviennent avec le temps les petites seigneuries sur Avessac

Ce que sont les petites seigneuries d’Avessac au Moyen-âge, nous ne pouvons que l’imaginer. Chacune est un fief accordé par un grand seigneur à l’un de ses fidèles serviteurs en échange de son aide militaire. Celui-ci s’y installe, y construit son logis, s’entoure de quelques valets et paysans, ses seuls sujets. Il peut aussi participer à leurs travaux et n’a guère d’autres droits juridiques sur eux que ceux de basse justice. Il se réfère pour la haute et moyenne justice, au pouvoir de son suzerain. Petit vassal, ou vavasseur, il appartient à la noblesse mais occupe les derniers rangs dans la hiérarchie des seigneurs féodaux.
Très vite, le fief accordé au fidèle serviteur se transmet directement à sa descendance mâle, alors même qu’il appartient toujours, théoriquement, au suzerain. Il peut aussi se transmettre à une fille quand les garçons manquent et passer ainsi à une autre famille dans laquelle la première se fond. Il arrive aussi que le fief hérité se vende ou soit concédé, en totalité ou en partie, à un tiers qui déjà possède d’autres terres relevant d’autres suzerains. Restent cependant immuables les droits et devoirs attachés à chaque terre, à chaque fief, et que rappellent les aveux faits à chaque succession ou à chaque vente.

Ainsi se compliquent les liens, pourtant simples au départ, qui unissent les seigneuries entre elles, qui fait qu’une seigneurie peut relever de plusieurs suzerains et qui rend souvent si difficile l’expression du droit.
La petite seigneurie évolue, rentre dans un ensemble plus important, mais reste seigneurie à part entière, même si bien souvent son seigneur n’y réside plus. Sur Avessac, la tendance est à la ré-annexion par les grandes seigneuries locales.


Inventaire des petites seigneuries avessacaises et renseignements divers

Rénihel: Cette seigneurie relève de Penhouet. Ogée nous dit, dans son dictionnaire, qu’elle avait droit de haute justice, ce qui semble surprenant. L’erreur vient sans doute des liens très étroits qui unissent Rénihel à la seigneurie de Penhouet. On ne lui connaît pas d’autres seigneurs que ceux jouissant de cette dernière. Il existait, cependant, à Rénihel, une maison noble qu’occupe en 1667 François Bourget, prêtre de son état.
Existent aujourd’hui le Haut et le Bas Rénihel, deux villages qui surplombent la vallée du Don.

La Bigotais: Cette seigneurie relève également de Penhouet. Elle est possédée, jusqu’au XVIIème siècle par la famille du même nom. Plusieurs de ses membres nous sont connus:
– Messire Pierre de la Bigotaye, un des « homme d’armes » de la suite de Richard de Bretagne en 1419. Son fils, Noble Homme Pierre de la Bigotaye, seigneur de la Gaubardière, est témoin d’un aveu rendu à Jehan de Penhouet le 28 mai 1440.
– Messire Jehan de la Bigotaye, sénéchal à la cour de Saint Nicolas près Redon. Il est vivant en 1475 et 1483.
– Pierre de la Bigotaye, notaire de la seigneurie de la Châtaigneraie en Avessac en 1486.
– Messire Jehan de la Bigotaye, sénéchal des cours de Penhouet en Avessac et du Châtelier en Guémené en 1564 et 1569.
– Messire Etienne de la Bigotaye, fils de Pierre et de Julienne Gyho, dame de Sutz, inhumé dans le choeur de l’église paroissiale d’Avessac le 15 octobre 1578
– Noble Homme de la Bigotaye, marié à Noble Demoiselle François Le Bel, de Penhouet, morte le 11 mars 1582 et inhumée le lendemain devant l’autel de Monsieur saint Jean en l’église paroissiale d’Avessac.
Noble Homme Julien de la Bigotaye, seigneur de Gavressac, époux de Marie du Harel, inhumé devant le grand autel de l’église d’Avessac le 16 septembre 1597.
– Pierre de la Bigotaye, procureur fiscal pour la seigneurie de Rénihel en 1606, marié vers 1610 à Suzanne de la Touche et vivant encore en 1621. Sa fille, Noble Dame Julienne de la Bigotaye est la dernière de ce nom. Elle épouse en première noce Messire François de Castellan, seigneur de Clio, et en deuxième noce, en la chapelle de Trioubry en Avessac, le 21 février 1667, Haut et Puissant seigneur Pierre de Reboul, chevalier, seigneur de Sainte Foy et de la Forest Lambry en Saintonge.
La Bigotaye, de nos jours, possède encore un manoir datant vraisemblablement du XVème, XVIème siècle.

Treignac: cette seigneurie fut successivement possédée par les familles du Tay, de Kersal et de Blanfossé, avant d’être annexée au Pordor, début XVIIème par les Le Breton de Villandry. Elle relève, à l’origine tout autant de la Châtaigneraie que du Pordor.

Charles de Kersal, écuyer, seigneur de Trignac, rachète en 1503 à messire Pierre Lemaray, prêtre, une rente de 40 sous sur la terre de Bougonnayes en Avessac tenue par Marguerite Bonnet. Pierre Lemaray sert en fait, visiblement, d’intermédiaire, pour un prêt déguisé de 40 livres de charles de Kersal à Marguerite Gonnet.
Jean de Blanfossé, seigneur de Trignac en Avessac, reçoit aveu de Geffroy Grière, en la cour de Saint Nicolas près Redon, en 1535.
A Treignac se trouve aujourd’hui deux exploitations agricoles.

Trélican: on cite Trélican dans un acte de 1786, comme seigneurie annexée au Pordor. Elle en relève d’ailleurs probablement, avant même son annexion. Des seigneurs d’origine, on ignore tout pour l’instant. Divers aveux, entre 1433 et 1653, conservés aux archives départementales, concernent cette seigneurie.
A Trélican se trouve aujourd’hui une exploitation agricole.

Gavressac: la seigneurie relevait très probablement de la Châtaigneraie. Julien de la Bigotaye en est seigneur au XVIème siècle.
Subsiste aujourd’hui dans le village, tout replié sur lui même, les ruines d’un probable manoir qui devait être la maison seigneuriale.

La Haye: la seigneurie aurait appartenu, au XVème et XVIème siècle, successivement aux familles Couëssin et Lesnerac. On peut noter qu’existe près de Bouix la ferme, et autrefois le moulin de Couëssin. On note aussi que Loys de Lesnerac eut, en 1532, des démêlés avec la justice, pour avoir trucidé à Saint Nicolas de Redon un certain Geffroy Boterel. Georges Primaignier, seigneur de la Haye, en 1656, vend cette année là, à Arthur le Breton de Villandry, un moulin, un étang, un pré et d’autres terres situées sur le Domaine de la Haye. Il est presque certain qu’existait autrefois à la haie une maison seigneuriale. On en voit encore quelques vestiges, en plus de ceux de la chapelle frairienne.

Le Dresneuc en Tesdan: cette seigneurie relève probablement de la Châtaigneraie comme d’autres fiefs situés sur Tesdan. Sa localisation reste problématique. Divers actes entre 1586 et 1769 concernent cette seigneurie aux archives départementales.

Escarret: cette petite seigneurie relève de Tréguel en Guémené. Ses possesseurs furent les familles Rouaud de Tréguel et Bodiguel de Beaulieu. On note au XVème siècle Noble-Homme Pierre Rouaud d’Escarret qui eut l’ honneur d’être secrétaire particulier du duc de Bretagne.
A Ecarré se trouve aujourd’hui une ferme.

Château-Chevreuil: cette seigneurie relevait semble-t-il de Derval. En furent seigneurs les Sorin.
S’y trouve aujourd’hui un château du XIXème siècle.

Sutz: Julienne Guyho, épouse de pierre de la Bigotaye est dite Dame (équivalent de seigneur au féminin) de Sutz au XVIème siècle. L’abbé Le Berre, signale, sans d’autre commentaire, la seigneurie de La Noë. S’agit-il sans doute de la même seigneurie. La seigneurie relevait de la Châtaigneraie. Il-y-a là aujourd’hui un village formé essentiellement d’exploitations agricoles.

Botmélas: Catherine de Luzanger est dite Dame de Botmélas en 1426.
A l’écart du village se trouve la Cour de Botmélas, une exploitation agricole. On note sur la partie la plus ancienne, le réemploi de vieilles pierres à vocation ornementale. Le logis seigneurial était peut-être là.

Ermeix: on parle aux XVIIème et XVIIIème siècle de la maison et terre noble d’Ermeix.
C’est aujourd’hui un village de type agricole.

Autres seigneuries citées n’appartenant pas au territoire avessacais

Lanvaux et la Rivière Lanvaux: c’est au village de Quinsignac sur Saint Nicolas de Redon qu’il faut situer la seigneurie de Lanvaux Subsistaient encore, il y a quelques années, dans ce village, les restes de ce qui devait être la maison seigneuriale. Dépendaient de Lanvaux différentes terres d’ Avessac, sur Poulduc notamment, comme nous l’indiquent deux aveux passés en 1640 et 1763.

Lanvaux relève généralement de la Châtaigneraie. La Rivière Lanvaux, seigneurie distincte, y est cependant étroitement liée.
Les Rouaud de Tréguel, de Guémené en sont seigneurs en 1446 et le restent jusqu’au rachat de la seigneurie par Reine- Marguerite Butault de Marzan en 1732. On peut citer ici les autres seigneuries sises sur Saint Nicolas de Redon qui était autrefois une trève d’Avessac, mais qui sortent quelque peu de notre étude: la cour de Rotz qui relève de Derval, Cavardin où devait être à l’origine une motte féodale, et la Provotaye qui relève de Saint-Sauveur et où existe encore le manoir dit du Châtelet.

La Ville-Orion: c’est à la Gacilly que se trouve cette seigneurie souvent citée dans les archives du Pordor. C’est Gilles Butault de Marzan, Seigneur du Pordor et de la Châtaigneraie qui l’avait acquise contre remise de dette.

La Rouardais en Rotz: c’est à Bains sur Oust qu’il convient probablement de localiser cette seigneurie, Ros étant l’ancien terme qui désignait autrefois le territoire compris entre Vilaine et Oust.

Sources

-Archives de la paroisse d’Avessac: Série 4 et 5, actes divers et série 20, « l’écho d’Avessac ».

– « Etude du Fonds Ricordel, Avessac au XVIIIème Siècle, vu à travers quelques documents d’époque », Hubert du Plessis, 2005.

-Inventaire des archives départementales, chartrier du Pordor et la Châtaigneraie, culture.cg44.fr/Archives.

-Archives municipales, chartrier du Pordor: Série I-3 « extrait du rôle rentier de la Châtaigneraie ».

-Scriptmania-Michel Lopez, actes divers, archives.chez.tiscali.fr

-Lettre de rémission, Registre B34 Lettre n°37, nicole.dufournaud.net.

Les Frairies de la Paroisse d’Avessac » par le Marquis de l’Estourbeillon, 1912.

Racontez-nous Avessac », Abbé Joseph Le Berre, 1999.

-«Dictionnaire historique et géographique de Bretagne », Ogée, Edition de 1843.

Au fil du temps et de l’eau, St Nicolas de Redon », Tome 1, Nicole Gourdin et Thérèse Boucard, 2000.

Mon Village au temps des civelles », Jean-Marie Nouël, Ed. Keltia Graphic, 2004.

-Lagacilly.fr, la Ville-Orion.