L’enseignement privé à Avessac de 1832 à 1902

Nous évoquons dans cet article  l’école des garçons et les caractéristiques générales du système éducatif d’alors. 

Rappelons que la création de l’école des filles, en 1823 et celle des garçons, en 1832,  fut l’œuvre principalement du recteur de la paroisse d’Avessac, René Lelievre (recteur de 1820 à 1837). C’est grâce à lui que les sœurs et frères des congrégations de Saint Gildas et Ploërmel purent enseigner les bases de la langue française , des mathématiques et le catéchisme.

Historique

Au 19ème siècle, les structures du système scolaire restent encore très instables. Depuis la révolution, le rôle de l’Eglise dans l’éducation est fluctuant selon les influences politiques et les contraintes financières. C’est dans ce contexte d’incertitude que l’enseignement primaire pour les filles se met en place à Avessac, dès 1823. Avessac est alors une vaste commune essentiellement rurale dont le bourg ne compte que le dixième de la population totale de la commune.

Avant 1820, les garçons bénéficiaient d’un enseignement religieux dispensé par les moines de Redon. Cette année là, les moines partirent d’Avessac et les garçons purent s’instruire auprès d’un particulier qui tenait au bourg une école libre et mixte, où il enseignait le catéchisme et les rudiments de la lecture.

En 1828, le curé d’Avessac réussit à faire venir un religieux de la Congrégation des Ecoles Chrétiennes. Mais l’absence de motivation des habitants retarda la création d’une école religieuse jusqu’en 1832. Quatre ans plus tard, en 1836, les frères de Ploërmel, qui avaient fusionné leur œuvre avec celle de l’Instruction Chrétienne, quittent Avessac qui se retrouve alors démunie d’enseignants religieux.
La commune de son côté, se montre très réticente pour investir dans une maison d’école de garçons. Ce n’est qu’en 1852 qu’elle acquiert un local, appartenant au comte de Goulaine, alors propriétaire du Pordor. L’école des filles, elle, reste privée et indépendante de la municipalité.

La commune s’engage ensuite dans une longue procédure de construction d’une école de garçons. L’installation dans les classes a lieu en 1877. La création de cette école résulte d’un long travail de l’administration locale et nationale afin d’offrir aux maîtres et aux élèves les meilleures conditions d‘éducation et répondre aux exigences des lois et du préfet.

Les écoliers

Le nombre de filles et de garçons semble à peu près identique tout au long du siècle. Ainsi a-t-on en 1840, 80 filles et plus de 100 en 1864, 70 garçons en 1832, et 119 en 1864.

La fréquentation de l’école varie en fonction des travaux saisonniers qui exigent beaucoup de main d‘œuvre. L’absentéisme est très important en novembre, décembre et mai. Il est beaucoup plus élevé chez les garçons de 12/13 ans que chez les plus jeunes de 9/11 ans. Peu d’enfants sont scolarisés avant 6 ans. En 1878, ils ne sont que 3. Dans les campagnes, l’école est très souvent considérée comme un luxe inutile.

La loi Ferry de 1882 instaurant l’obligation de l’enseignement scolaire pour les enfants des deux sexes jusqu’à 13 ans fait croître le nombre d’élèves. La fréquentation en 1886 est de 230 filles. Mais déjà, en 1881, 329 garçons de 6 à 13 ans sont recensés

Les études

Les instituteurs se donnent tous les moyens pour obtenir un enseignement de qualité, notamment en s’entourant, dès 1862, de maîtres adjoints.

L’enseignement dispensé aux filles par les sœurs fait une large place aux travaux ménagers. Couture, tricot, repassage sont au programme. Les leçons de religion sont dispensées par les sœurs en dehors des heures de classe.

En fin d’année scolaire, les élèves reçoivent des prix payés par les paroissiens, en fonction de leurs résultats. Une cérémonie présidée par le maire et le curé de la paroisse concrétise la remise de ces prix.

A partir de la loi Ferry de 1882, rendant obligatoire l’organisation d’un certificat d’études pour l’enseignement primaire dans chaque département, les maîtres présentent, avec succès,  quelques uns de leurs élèves.

Recrutement des enseignants

Les maîtres arrivent à Avessac sur demande du curé de la paroisse, sous réserve d’acceptation par l’évêque.

La loi Guizot de 1883 permet à ceux qui possèdent un certificat de bonnes mœurs, un brevet de capacité et une autorisation rectorale, d’ouvrir une école primaire.

Cette loi permet également aux laïcs d’enseigner. L’ouverture  vers la laïcité génère d’importants conflits lors de la nomination des maîtres. Le maire et le curé, appuyés par les paroissiens ne font  qu’un devant l’autorité nationale. Ils représentent d’ardents défenseurs de l’œuvre des congrégations enseignantes. Des tensions vont ainsi naître dans le bourg lorsqu’en 1845, le frère Emilien de Saint Quay rouvre, après 10 ans de fermeture,  une école libre. En effet, les enfants ont déserté en grand nombre l’école communale pour remplir celle du frère.

En 1852, les recteurs nomment les maîtres, les municipalités ne disposant plus que d’un droit d’avis. Le conseil municipal indique s’il souhaite que son école soit confiée à un instituteur laïc ou à un membre de congrégation religieuse. Ensuite, le préfet nomme un candidat sur proposition de l’inspecteur d’académie.

A partir de 1879, les départements doivent avoir une école normale de filles et de garçons par laquelle devront passer tous les futurs maîtres. Un brevet de capacité est désormais nécessaire pour enseigner.

Depuis la loi Ferry de 1882, instituant la laïcité de l’enseignement primaire, les autorités se renseignent sur les mœurs de l’instituteur afin de vérifier si ce dernier respecte le principe de laïcité.

Traitements

Les maîtres sont rémunérés grâce aux rétributions payées par les familles et la charité des paroissiens. Le premier frère enseignant recevait sa pension du curé ainsi qu’un faible traitement.

En 1823, à l’arrivée des sœurs de l’Instruction Chrétienne, le curé leur avait promis 300 francs annuels. Mais les rétributions scolaires furent insuffisantes, les élèves pauvres étant instruits gratuitement. Le curé n’arrivait même pas à fournir aux sœurs une partie de ce qui était nécessaire pour leur nourriture.

Puis, la loi Guizot de 1833 oblige les municipalités à ajouter aux rétributions scolaires un traitement fixe qui ne peut être inférieur à 200 francs. Ces traitements varient selon l’emploi occupé: maître, maître-adjoint, directeur.

Avant toute nomination, l’inspecteur primaire analyse la situation économique et le besoin de la commune. Parfois, lorsque les ressources de la commune étaient insuffisantes, les particuliers pourvoyaient à la rémunération des maîtres.
En 1847, une instruction ministérielle stipule que les rétributions scolaires perçues jusqu’alors par les instituteurs le seront par le receveur communal.

Afin de se conformer à la loi de 1881 qui stipule la gratuité de l’enseignement primaire public pour les garçons et les filles, la gratuité de l’école pour les garçons d’Avessac est établie dès juillet 1881. En revanche, pour les filles la gratuité ne sera instaurée que fin août 1882.

Les sœurs ne bénéficient pas de la loi de finances de 1902 qui fait des instituteurs des fonctionnaires rétribués par l’Etat, même si cet établissement sert d’école publique dans la commune. Les communes n’interviennent plus que dans le financement des locaux et du matériel scolaire. Les religieuses devront  désormais vivre de la charité publique. Les dons des bienfaiteurs leur permettent d ‘assurer notamment une partie de l’entretien des bâtiments ainsi qu’un modeste traitement.

Le quotidien des enseignants

Les instituteurs publics sont inspectés, par délégation de l’Etat, par les curés et le maire qui interviennent à titre de « surveillants spéciaux ». Cette surveillance évoluera en 1828 par la mise en place de comités de surveillance d’arrondissements constitués d’inspecteurs spécifiques. Cette organisation est parfois source de tensions entre les membres du comité et les autorités locales.

En 1850,  la loi Falloux  remplace les comités d’arrondissements par un conseil académique de département. En 1836, les inspecteurs relèvent que « l’école des garçons compte 84 élèves, et celle des filles, dirigée par les dames de Saint Gildas, en compte 75. Ces deux écoles sont en progrès et présentent un certain nombre d’enfants passablement instruits ».

Au 19ème siècle, les habitants d’Avessac apprécient les maîtres et sont fiers de leurs écoles. L’accueil fut plus chaleureux pour l’école des filles que pour celle des garçons. Il fallut des enseignants comme frère Bruno de la communauté des frères de Ploërmel pour que la population s’empresse de lui confier les garçons.

L’instruction est un sujet de discorde. Les sensibilités religieuses des habitants ont souvent été source de tensions dans cette commune. La majorité de la population étant catholique, les instituteurs laïcs ne sont pas toujours appréciés. Ainsi, après 10 ans de fermeture (entre 1836 et 1845), le frère Emilien de Saint Quay rouvrit l’école libre, ce qui pour effet de « vider » l’école communale qui avait fort mauvaise réputation.

Lorsque l’école est laïcisée en 1886, le vicaire général exprime au curé d’Avessac sa compassion face à « cette vraie calamité » de ne pouvoir conserver les frères. Huit mères de famille, accompagnées du premier adjoint et du curé se rendirent à Ploërmel pour réclamer le retour des frères enseignants. Lorsque le frère Elie-Marie mourut après 27 ans d’enseignement à Avessac, la commune déclara un jour de deuil.

Vie et logement de l’instituteur

En 1823, les sœurs vivent misérablement: une seule paire de draps, un logement insalubre. Les frères vivaient autant dans la pauvreté: un logement (la maison du Tertre) infesté de rats, pas de chauffage. Il fallut attendre 1877 pour que les frères étrennent la nouvelle habitation construite par la commune. 100 arbres fruitiers furent plantés dans le jardin, le sol fut planché et le comte de Goulaine fit placer, à ses frais, un séchoir à linge.

L’école des garçons étant communale, elle fut réquisitionnée le 20 septembre 1881 pour y loger 190 hommes du premier régiment d’infanterie basé à Cherbourg.

Les instituteurs s’investissaient énormément dans leur fonction d’enseignant. Cet excès de travail, cumulé parfois avec la fonction de secrétaire municipal et le nombre important d‘élèves épuisaient physiquement les enseignants.

La fin des congrégations enseignantes

Suite à la loi du 1er juillet 1901, la congrégation des Sœurs de Saint Gildas des Bois sollicite auprès du ministre de l’intérieur et des cultes, l’autorisation légale exigée pour les établissements particuliers des congrégations reconnues. Sans cette autorisation, les  communautés religieuses ne peuvent poursuivre leur mission d’enseignement.

Malgré les démarches, le soutien de la commune et les insistances de la Mère Supérieure de la congrégation des Sœurs de l’Instruction  Chrétienne, l’autorisation n’est pas accordée. En juillet 1902, cet établissement congréganiste est déclaré supprimé.

L’école des filles est ainsi fermée à la rentrée 1903. Mais certaines sœurs, afin de contrer la loi, reprennent la vie séculière pour poursuivre leur vocation d’enseignantes. Plusieurs d’entre elles vont ainsi révoquer leurs vœux religieux.

La congrégation des frères de Ploërmel est également supprimée en 1903. Toutefois, les frères continuent d’enseigner à Avessac, sous leur nom de famille, en civil.

Durant le début du 20ème siècle, l’enseignement primaire s’accompagne de l’ouverture d’une école maternelle dite « salle d’asile » à ses débuts, et de cours pour adultes.

Sources

– “Enseignement primaire à Avessac de 1823 à 1902”, mémoire de Sophie Viaud, 2002.