Le village de Beaumélas

Le village de Beaumélas se devine, plus qu’il ne se voit, de la route qui relie Saint-Nicolas de Redon à Guémené-Penfao, à droite, entre les « Quatres-Routes » et la « Ville en Pierre ».
Son origine remonte très probablement au IXéme siècle, avec l’implantation des bretons sur le secteur. Son nom vient de « bot » qui désigne, en vieux breton, le domaine, la demeure de l’homme libre et de « Mélar« , « Méréal« , nom de personne en usage à l’époque. Le toponyme, francisé ensuite en Beau-Mélas, semble donc indiquer qu’un homme, nommé Mélar, ou Méréal, breton d’origine et libre de son état, s’est installé là, vers le IXème siècle, pour y exploiter un domaine et y faire souche au point d’y laisser son nom.
Par la suite « Bot », évolue vers un autre sens, celui de bosquet, l’homme libre entourant son domaine d’arbres.

Une petite seigneurie

Il semble que Beaumélas fut par la suite un démembrement de la puissante seigneurie du Pordor, une terre donnée au cadet de famille. On trouve, en 1426, dans le chartrier du Pordor, Catherine de Luzanger, Dame de Beaumélas, qui échange des terres avec sa cousine Aliette de Luzanger, Dame du Pordor. Elle est fille de Pierre II, lui même fils cadet de Jehan de Luzanger, seigneur du Pordor, et fille de Jehanne Magne. Pierre dût être, à la fin du XIVème ou au début du XVème siècle, le premier seigneur de Beaumélas.


Tout près du village se trouve une ferme nommée « Cour de Beaumélas ». Existe encore, au milieu de constructions plus récentes , un bâtiment très ancien. La partie située à l’est doit être de 1888, date inscrite sur le linteau de la porte. L’autre partie, le rez de chaussée, situé à l’ouest, semble plus ancienne, avec des murs évasés à la base. La porte, de style assez rustique, utilise dans sa partie supérieure, en réemploi, trois pierres taillées provenant d’un bâtiment plus ancien, aujourd’hui disparu. C’est ici que se trouvait très certainement le siège de la seigneurie de Beaumélas.

La Cour de Beaumelas: bâtiment ancien

Le nom de « Cour », qui peut indiquer le lieu de résidence d’un seigneur, penche en faveur de cette hypothèse.
la Cour de Beaumélas: vieux bâtiment.

La frairie de Beaumélas

Sous l’ancien régime, le siège d’une des 12 frairies d’Avessac se trouvait à Beaumélas, ou à la Cour.
Le territoire de celle-ci, suivant le cours de l’Helleux, ruisseau qui se jette dans l’étang Aumée, formait une bande orientée nord-est, sud- ouest, allant de la Châtaigneraie au Pont de l’Eau. En faisaient partie également, Rublard, Combras, la Hyronnerie, le Hayac, le Feuillac, le Noyer, le Bilais, Nérac et le Bignon, auxquels il faudrait rajouter aujourd’hui, les lieux- dits des Quatre- Routes, de la Belle-Epine et de Ker-Anna qui n’existaient pas autrefois.

Cette frairie avait pour saint- patron Méréal, ou Mélar, jeune prince breton vivant au VIIème siècle. Fils de Saint Milliaux, roi de Cornouaille, dans le sud-Finistère, il fut assassiné, comme son père, par son oncle Rivauld, , qui voulait s’emparer de la couronne.

Par la suite, son culte fut introduit dans notre région, à Fégréac notamment, par les moines de Redon à qui Nominoë avait donné plusieurs reliques. Il était naturel que les habitants de Beaumélas, dont le nom rappelait celui de ce personnage le prennent alors pour saint patron.

                                    La frairie de Beaumélas: son territoire le long de l’Helleux.

L’exploitation de l’argile: une activité oubliée

Il existe sur Beaumélas entre le village et la Cour, d’importants mouvements de terrain. Le marquis de l’Estourbeillon, à la recherche de traces glorieuses y voyait un camp retranché élevé en 869 par Gurwand, lieutenant du roi Salomon, pour faire face aux vikings.
La réalité cependant, est tout autre. On y voit un vaste trou, rempli d’eau, tout en longueur et sinuosités, allant de l’extrémité occidentale du village, aux abords de la Cour, avec, tout à côté, quelques talus, traces d’un ancien parcellaire ainsi qu’ un réseau de fossés encadrant un monticule assez important, qui évoque un système d’évacuation pour les eaux stagnant dans le trou. Il s’agit d’un vaste mortier, où était autrefois extrait de l’argile qu’on trouve d’ailleurs en abondance sur le secteur.

Dans les champs alentour, en direction du nord, on voit encore quelques monticules, traces d’anciens tas où étaient autrefois déposés les déchets liés à l’extraction et à l’exploitation de l’argile.

Ce descriptif n’est pas sans rappeler un autre lieu sur Avessac qui présentait un aspect similaire et dont le nom garde le souvenir. Il s’agit des Mortiers sur la route qui mène à Saint -Nicolas de Redon. Pour pouvoir exploiter son terrain, le propriétaire a d’ailleurs dû niveler l’ensemble, avec beaucoup de difficultés.

A Beaumélas, l’argile, une fois extraite, était exploitée sur place. Un exploitant agricole de la Cour avait alors mis à jour deux structures circulaires de 3 mètres de diamètre environ.

                                              Le mortier de Beaumélas: un de ses aspects

Un archéologue les ayant vus à l’époque, lui avait dit qu’il s’agissait probablement de fours de potiers pouvant dater de l’époque médiévale. Leur description rappelle également  les fours en usage sur Malansac jusqu’au XIXème siècle.

                                              Four de potier: schéma de fonctionnement

L’exploitant se souvenait également de tomettes en terre cuite et de mâchefer, ou scories ferrugineuses, retrouvés en tas près de la Cour.

Une autre habitante, demeurant à l’autre bout du village, a elle aussi, lors de travaux, extrait du sol de son terrain quantité de
tomettes stockées là autrefois. Elle se souvient d’ailleurs qu’on disait autrefois qu’il y avait eu à Beaumélas,  il y a très longtemps, à une époque qu’ elle n’a pas connue, une tuilerie, et qu’il y avait eu aussi une forge, un peu plus loin, là où se trouve aujourd’hui des bâtiments agricoles. Les anciens témoignages attestaient de l’existence d’un restaurant. Le grand chemin de Saint Nicolas à Guémené passait par là.

                                                   Tomettes retrouvées à Beaumélas


Lors de nos travaux d’étude, nous avons nous mêmes retrouvé sur ce terrain des tomettes et sur une des buttes situées au nord du village, une scorie ferrugineuse.
Ces tomettes mesurent 10 cm sur 10 cm. Elles ont sur leur face inférieure des petits trous pour facilité l’adhérence au mortier. Renseignements pris auprès d’un archtecte, elles semblent dater du XIXème siècle.

De toutes ces activités il ne reste aucune trace écrite connue à ce jour. Les recensements effectués à partir de 1841 n’indiquent rien en lien avec ces métiers.

On trouve, en revanche, vers 1860-1870, un maçon qui sans doute avait des matériaux en stock. Mais sa présence n’explique pas tout: pourquoi aurait-il stocké en différents endroits du village et pourquoi de telles quantités?

Poteries, briqueteries (ou tuileries), et forges ont donc certainement existé sur Beaumélas, à une époque ancienne, remontant sans doute, pour certaines activités, au Moyen-âge. Elle ont dû disparaître, pour les dernières, aux environs de la Révolution ou du premier Empire.

Le « grand chemin » de Beaumélas

La tradition nous dit que le « grand chemin »  de Saint- Nicolas de Redon à Guémené-Penfao, ou Châteaubriand passait par Beaumélas.. On le cite déjà en 1573. Celui-ci existe toujours aujourd’hui en plusieurs endroits, le plus souvent goudronnés. À partir de Saint-Nicolas de Redon il suivait tout d’abord la route actuelle, la D775. A l’Orgeraie, son tracé partait sur la droite, traversait les vergers de la champagne, croisait la route qui mène à Fégréac, la D 46, et reprenait plus loin le chemin qui existe toujours face à la route de Beaumélas. Il traversait alors le dit village, comme la route aujourd’hui et passait l’Helleux à gué. Plus loin, après un lieu dit disparu aujourd’hui, le Bignon, là même où se trouvait une forge, un chemin partait vers la Hunaudière. « Le grand chemin », lui, continuait en suivant la route qui aujourd’hui passe au nord de la Hunaudière et de Cotias. Il empruntait ensuite sur quelques centaines de mètres l’actuelle route qui mène à Plessé, la D131, avant de bifurquer sur la gauche, à travers champs, au nord du Petit Melay, pour rejoindre l’actuelle route qui passe au lieu dit de la Savenetterie, au sud de Tily. Il rejoignait enfin, aujourd’hui à travers champs, directement le Chien Hanné pour suivre ensuite l’actuelle D124 qui va à Guémené.
Cassini, sur sa carte, levée vers 1784-1787, en présente une version quelque peu différente. S’agit-il sans doute d’une première étape dans la construction de la route actuelle. Il laisse très nettement Beaumélas au sud, comme aujourd’hui, mais laisse Tily au nord, comme sur l’itinéraire décrit plus haut. La connexion entre la route actuelle et le chemin ancien se fait alors, semble-t-il, au niveau du chemin goudronné qui mène à la Châtaigneraie. La grande route qui va de Saint-Nicolas de Redon à Guémené, la D775, comme elle existe aujourd’hui, a du être définitivement tracée sous la Restauration, vers 1820-1830.

Toujours est-il que Beaumélas a dû être longtemps un lieu de passage. Les recensements effectués dans les années 1840-1860 signalent la présence d’une auberge à Beaumélas, tenue vers 1840 par Jean Fossé et sa fille Louise, et par Joseph Ferré et sa femme Hyacinthe, vers 1860.

Beaumélas enfin garde encore un peu de son aspect d’origine. La barre qui autrefois bordait le « grand chemin » existe toujours au bord de la route. Quelques maisons construites dans la deuxième partie du XXème siècle sont venues agrandir le village. A la Cour en revanche, les bâtisses ont évolué au fil du temps. Ce qui reste des vieux bâtiments est peu à peu délaissé pour d’autres, plus fonctionnels répondant davantage aux besoins d’aujourd’hui.

                                                                 La barre de Beaumélas

Sources

• « Inventaire du chartrier des seigneuries du Pordor et de la Châtaigneraie », Archives Départementales de Loire-Atlantique.

• « Le Pordor, sept siècles d’histoire », par Laurent Cario, édité par l’ « association des amis du Pordor », 2007.

• « Les frairies de la paroisse d’Avessac », par le marquis de l’Estourbeillon, Imp. Bouteloup / Redon, 1912.

• « Vie de Saint Méloir » par le vicomte Hippolyte Le Gouvello.

• Compte rendu du congrès annuel de U.R.B. Septembre 1334. Article écrit par Régis de l’Estourbeillon

• « Noms de lieux et itinéraires anciens en Loire-Atlantique de Nantes à la Vilaine et au Brivet », thèse de doctorat de Hervé Tremblay 1985

• Aménagement dans le bourg de Malansac sur le thème des potiers, reconstitution d’un four. Commune de Malansac (56)

•  Cadastre napoléonien  de 1844, consultable en mairie d’Avessac ou sur le site Loire- Atlantique.fr/cg44.