La coiffe nantaise et son usage sur le secteur d’Avessac

Grâce à des vieilles photos, des cartes postales sorties des armoires et des témoignages oraux, nous allons tenter de répondre à quelques questions concernant la coiffe : sa description, son origine et son usage.

Description de la coiffe nantaise

Il existe plusieurs sortes de coiffes nantaises. Celles  qui étaient autrefois couramment portées à Avessac, sont du type « dormeuse ». Elles se composent d’un fond en tulle paillé et amidonné sur lequel vient se coudre, par devant, une bande, également amidonnée, appelée la « passe », en tulle ou en dentelle, selon l’usage. Le paillage est formé de petits plis, de part et d’autre de deux lignes de coeur, et qui donnent le volume à l’ensemble.
La première de nos coiffes était portée le dimanche et les jours de fêtes. La « passe » y est en fine dentelle et une broderie blanche faite de fleurs orne l’arrière du fond. La deuxième, beaucoup plus simple, servait pour tous les jours. Sa passe y est en simple tulle, bordé d’un liseré blanc et le fond ne s’orne d’aucune broderie.

                                                    Coiffes nantaises, type dormeuses

Pour porter la coiffe, les femmes tiraient d’abord leurs cheveux longs en arrière, avec une raie au milieu. Elles pouvaient aussi faire des tresses. Elles formaient ensuite, dans tous les cas, un chignon qu’elles maintenaient serré, assez haut derrière, dans une résille noire. Elles y fixaient un ruban de même couleur qui s’en venait faire le tour du haut du crâne. C’est sur celui-ci qu’elles fixaient alors, la coiffe à l’aide d’épingles. A l’arrière, celle-ci se posait juste au dessus du chignon, sans le recouvrir. Un ruban blanc, ou noir en cas de deuil, fixé sur le bord de la coiffe, l’agrémentait et formait à l’arrière un noeud plat.                                  

L’entretien d’une telle coiffe était chose délicate. Amidonnée, elle craignait avant tout la pluie et celles qui la portaient devaient alors la protéger en portant une capuche. Certains se souviennent encore qu’ « on allait chez la dame » pour la faire nettoyer et la repasser. Seule, en effet, une « repasseuse de coiffes » professionnelle était capable d’ entreprendre ce travail. Il fallait tout d’abord découdre la passe du fond, nettoyer l’ensemble, amidonner, puis reprendre tout le paillage et recoudre enfin à nouveau la passe sur le fond. Pas moins de trois à quatre heures de travail étaient nécessaires pour une seule coiffe.

Répartition géographique

La « dormeuse », portée à Avessac, était largement répandue sur tout la partie nord de la « Loire- Inférieure », actuelle Loire-Atlantique. On la portait à Blain, à Derval, à Malville, à Nort sur Erdre, ou encore à Plessé où la jeune fille qui illustre la carte postale dédiée à la coiffe nantaise est exactement la même que celle d’ Avessac. Celle-ci porte d’ailleurs une variante qui semble peu usitée chez nous, avec un noeud plus important à l’arrière, peut-être réservée, selon certains, aux jeunes filles pas encore mariées. La « dormeuse » se portait également à Redon, hors des limites du département, en Ille et Vilaine.
Au sud de la Loire, existent deux autres types de coiffes, proches de la notre, également paillées. Celle portée dans le pays de Retz se différencie essentiellement de la « dormeuse » par l’existence d’une passe qui revient jusque par derrière tandis que celle de Clisson, tout en ayant la caractéristique de la précédente, est aussi plus volumineuse à l’arrière, en forme de « sabot ». Quant à la presqu’île de Guérande, elle se distingue très nettement par un style très différent, tant au niveau des coiffes que des costumes. Nous sommes là sur un secteur plus isolé, où l’on parle encore le breton au XIXème, voire même au tout début du XXème siècle.

      Coiffe nantaise et costume dit traditionnel porté sur Avessac et sur d’autres communes du secteur

Histoire et usage de la coiffe nantaise

La coiffe nantaise, sous sa forme « dormeuse », telle qu’on la portait à Avessac, à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, apparaît vers 1880. Le modèle qu’on portait avant, vers 1850, était sans doute proche de la « grande coiffe » en usage à la même époque sur le secteur de Blain et qu’on retrouvait encore, signe d’un certain isolement, à Sévérac, vers 1900. Rappelons que la coiffe, à l’origine, avait pour vocation de cacher les cheveux des femmes, ce que la « grande coiffe » assurait parfaitement. Il semble, ensuite, que la « dormeuse » soit le résultat d’une évolution des usages, incitant les femmes à ne conserver que  la grande coiffe, portée encore à Sévérac à la fin du XIXème.

 

La coiffe était, fin XIXème, début XXème siècle, d’un usage courant tant dans nos campagnes que dans les bourgs. Il y avait, comme nous l’avons déjà vu, la coiffe du dimanche, ornée d’une « passe » en dentelle et de broderies et celle plus sobre pour tous les jours. Seules, semble-t-il, la dédaignaient, les épouses de commerçants et quelques autres femmes, issues de la petite ou de la moyenne bourgeoisie, tout comme celles issues de la grande. Elles préféraient suivre la mode venue des villes, et portaient à l’occasion le chapeau, pour se rendre notamment à l’église.

                                                                   La grande coiffe,portée encore à Séverac à la fin du XIX ème

 

                       Mariage à la Hunaudière en 1899: toutes les femmes portent la coiffe

 

Sortie de messe au début du XXème siècle: on distingue à droite le groupe des femmes qui portent la coiffe et au centre un groupe issu de la bourgeoisie. A gauche, les hommes écoutent les annonces


La guerre de 1914/1918 marque le tout début d’une très lente évolution, même si la coiffe reste après guerre d’un usage courant. La plupart des femmes continuent à la porter. On note cependant, sur les photos prises à l’occasion des mariages, dans les années 1920, que quelques unes, parmis les jeunes, cessent de la porter. Elles suivent la mode qui vient des villes, où elles partent parfois pour un temps. Elles abandonnent alors définitivement l’usage de la coiffe, même si elles reviennent vivre au pays. On note d’ailleurs, sur les mêmes photos, que les jeunes filles, commencent à se marier en blanc, alors que l’habitude était au noir ou au sombre avant guerre, et à préférer très nettement le voile à la coiffe. C’est ainsi que très naturellement son usage commence à régresser.

Mariage à la Vallée des Bois vers 1920: quelques jeunes femmes ont cessé de porter la coiffe

Après la seconde guerre mondiale, seules certaines femmes déjà âgées continuent à porter la coiffe, tandis que les plus jeunes ne l’ayant jamais connue pour elles mêmes suivent les modes du moment . La coiffe cesse définitivement d’être portée à Avessac dans les années 1960.

Photo de groupe, chemin du lavoir, en 1951: seules deux femmes déjà âgées continuent de porter la coiffe. L’une, en deuil porte un ruban noir

Sources

– « Oust et Vilaine, Pays de traditions: La culture populaire, marqueur d’identité » Edité par le Groupement culturel Breton des Pays de Vilaine, novembre 2000.

-Vieilles photos et cartes postales: archives départementales et collections privées.

-Témoignages oraux.