Histoire de la pêche à l’anguille en Vilaine depuis le 16 ème siècle

Jusqu’à la fin du 18ème siècle, sur la Vilaine et ses affluents, la pêche intensive s’effectue à l’aide de pêcheries fixes, appelées aussi écluses, édifiées sur le cours du fleuve aux endroits les plus adéquats ou attenantes aux écluses des nombreux moulins qui longent ce cours d’eau.
Ces installations, situées sur l’estuaire jusqu’à la ville de Langon appartiennent aux Bénédictins de l’abbaye de Redon.  A la veille de la révolution, les travaux de canalisation de la Vilaine vont mettre fin à l’établissement de pêcheries fixes sur la Vilaine, seules, celles établies sur les moulins resteront en fonction. L’objectif était de rendre la navigation fluviale plus facile et moins dangereuse.

Par ailleurs, l’étude de documents aux archives départementales de Loire Atlantique , fait apparaître que de nombreux procès eurent lieu entre 1634 et 1830, à propos des marais. Ils opposaient par exemple:

• en 1634/1636, le cardinal de Richelieu, abbé de St Sauveur et les habitants de Painfaut,

• les seigneurs du Pordor et un Prieur au sujet des marais de la paroisse d’Avessac,

• en 1716, le seigneur de la Châtaigneraie et du Pordor déposa une requête à la cour de Redon pour parvenir au curage des douves et des ruisseaux qui s’écoulent dans la Vilaine,

• entre 1723 et 1786, des procès relatifs à la propriété des marais de Vilaine opposèrent les habitants de Bains et ceux d’Avessac,

• entre 1752 et 1763, les habitants de Painfaut et ceux des autres villages riverains des marais se retrouvent en justice à propos de l’utilisation des communs,

• en 1830, se déroula un procès relatif au dessèchement des marais,

• entre 1766 et 1848, les seigneurs du Pordor et de la Châtaigneraie s’opposèrent à leurs vassaux, riverains des marais au sujet de la propriété des marais de la Haye en Avessac,

• les litiges relatifs à la propriété des marais du Brûlais, des Haies et de Painfaut amenèrent en justice, les propriétaires du Pordor et les villageois d’Avessac, riverains du marais,

• entre 1724 et 1737, des « combats » de mouvance eurent lieu entre les seigneurs d’Avessac et les Bénédictins de Redon, au sujet des marais. Un combat de mouvance était un combat de fief, une contestation entre deux seigneurs qui réclamaient la mouvance (dépendance) d’un même fief,

• des aveux rendus aux seigneurs, des contestations de mouvance, des baux à ferme concernant des écluses, des contrats d’afféagement sont consultables aux archives départementales.
L’aveu indiquait pour quel fief le vassal avait prêté hommage. Il pouvait être accompagné d’une « montrée » des terres en présence de témoins qui permettait ainsi au vassal de savoir exactement de quoi était composé son fief et sur quoi le seigneur avait des droits.

Les propriétaires des pêcheries et des droits de pêche sur la vilaine jusqu’à la fin du 18ème siècle

Les pêcheries étaient des barrages faits de branchages entrelacés destinés à guider les poissons vers les nasses ou les filets. Ils étaient aussi faits de pieux non jointifs auxquels étaient suspendus des filets. Des grosses pierres étaient posées à la base des pieux pour résister à l’érosion du courant.
Dès le 9ème siècle, on note la présence de pêcheries en amont et en aval de Murin. La Vilaine et ses nombreux bras d’eau étaient des centres importants de pêcheries.
A Coretloencras, entre Ste Marie et Avessac, la pêcherie occupait toute la largeur de la Vilaine.

En 1580, l’abbé SCOTTI, révérend père de l’abbaye de Redon, dut fournir la liste des propriétés des Bénédictins. Ce document, conservé aux archives d’Ille-et-Vilaine, écrit en latin à l’origine, a fait l’objet d’une traduction et d’une copie au 18ème siècle. Ce texte comprend notamment la liste des pêcheries entre Redon et Brain. Sur une portion très courte de ce tracé, on en dénombre alors près de quatre vingt dix. Une liasse du 18ème siècle renferme une imposante documentation, toujours dans le cadre d’une copie du 16ème siècle, sur les droits de l’abbaye sur les rivières d’Aoust et de Vilaine sur plusieurs siècles et recense dans leur totalité les pêcheries propriétés de l’abbaye de Redon.
La moyenne et la haute Vilaine possèdent de très nombreux moulins tous équipés de pêcheries.

Les régions de Brain, Avessac,  Glénac, Saint-Vincent sur Oust et Saint-Perreux sur l’Oust au nord sont des sites très favorables à la pêche aux poissons d’eau douce de toute sorte, mais c’est surtout l’anguille qui est l’espèce la plus convoitée et ciblée.
Ces villages sont situés dans des endroits très marécageux, autrefois inondés pendant la plus grande partie de l’année. Les moines de l’abbaye de Redon donnaient le nom de mer au lac de Murin en Avessac. C’est sur ces portions de la Vilaine et de l’Oust que se trouvaient une grande partie des pêcheries. Deux d’entre elles servaient à la pêche aux saumons, l’une sur l’Oust : l’écluse de la « Vieille Draye » en Saint-Vincent sur Oust au passage de Saint-Perreux, l’autre est située sur la Vilaine et se nomme l’écluse du Tertre de Reignac un peu en amont de Redon.
Ces pêcheries à saumons sont qualifiées de pêcheries exclusives. Seul le détenteur du droit de pêche ou le fermier, est autorisé à pêcher le saumon. Marteville dans son dictionnaire précise : «…Enfin les bénédictins avaient le droit de pêcher exclusivement le saumon sur l’Oust. Leur pêcherie, concédée par les comtes de Rieux était située au-dessous du village de l’Abbaye ».                                                             méandre de Painfaut en 1544

Un document exceptionnel donne une idée précise de la situation et de la représentation des pêcheries, essentiellement à anguilles, sur la Vilaine. Il s’agit d’un recueil qui contient vingt trois planches de peintures, accompagné probablement à l’origine d’un document écrit, datant de 1544 et destiné à améliorer la navigation intérieure. C’est un relevé cartographique et topographique du cours de la Vilaine de Redon à Rennes, il représente tous les obstacles à la navigation, moulins pêcheries, méandres. Ce document a fait l’objet, en 1997 d’un ouvrage publié par les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine. Une planche figure le lac de Murin, le port de Lezin, Avessac, Massérac, Painfault, « la vue décrit une des sections où la navigation est très difficile…. La rivière s’étend au marais… au risque de s’y confondre en période de crues…. » « l’activité économique est évoquée par un moulin à vent de Massérac…et les filets des pêcheries ». Une autre planche évoque le lac de Murin (ou vieille mer) et les marais de Brain; la vue représente une succession de pêcheries.

Du 17ème au 18ème siècle, afin d’améliorer la navigation sur les rivières du royaume, les divers rois de France vont émettre des arrêtés ordonnant de détruire tous les obstacles à la navigation, moulins, pêcheries…. Lors de l’inspection qu’il effectue sur l’ensemble des côtes de France, le commissaire ordinaire de la marine et inspecteur général des pêches Le Masson Du Parc, décrit le 28 novembre 1728 son inspection de la région de Redon . Il souligne notamment que « Entre Renac jusqu’à Rhedon la pesche ne s’y peut faire avec aucun filets ou rets parce que tout le lit de la rivière qui est souvent fort plat est très bourbeux et couvert d’herbes et de joncs : ainsi on ne s’y peur servir seulement que de panniers ou nasses ». Il remarque aussi que les paysans riverains des paroisses de Bains et Brain utilisent « …pareilles petites écluses ou tescles dans lesquelles ils arrêtent les poissons du premier âge
ainsi que ceux qui ne font que d’éclore, et s’en servent aussi à faire engraisser leurs porcs… ».

L’inspection de Le Masson du Parc a pour but de constater que les ordonnances de la marine de 1584 et 1681 ont bien été appliquées. Ces dernières  imposent la destruction des parcs et pêcheries construits depuis 1544. Pour les pêcheries à saumon, les Bénédictins de Saint- Sauveur ne peuvent pas fournir de preuves sur leurs droits de propriétés antérieurs à 1544. Le 15 septembre, 1738, Le Masson du Parc demande la destruction des deux pêcheries à saumons suivant la décision du Roi. Les exigences royales mettent beaucoup de temps à être suivies d’effet.
Suite au souhait des Bénédictins de Redon d’être maintenus dans le droit d’écluses en pêcheries sur les rivières d’Aoust et de Vilaine, le conseil d’État dû par le Roy du 21 décembre 1756 les déboute de leur demande et ne les autorise à ne plus construire de pêcherie autre que celle de Rohignac (lieu dit situé en Sainte-Marie, sur la Vilaine) tous les ans dans la première semaine de carême et de la démolir avant la Pentecôte.

La destruction des pêcheries entre Redon et Brain avant la révolution

Vers 1780, un conflit oppose le général de la paroisse (conseil paroissial) de Brain sur la Vilaine au Procureur du Roi. Ce différend, qui porte sur la navigabilité de la Vilaine, va faire l’objet de l’inspection d’une commission nommée, non sans mal, par le Présidial de Vannes comprenant le sénéchal du tribunal, son greffier, deux représentants du conseiller du général de Brain, le représentant de l’abbé de Redon, ainsi que cinq autres experts nommés d’office par le Présidial. Le but de cette commission est de constater si « les pêcheries, établies sur la rivière de Vilaine sont nuisibles en tout ou partie à la navigation ou si elles doivent être détruites en entier ou seulement élargies en leur milieu ».
Les experts effectuent leur inspection du 18 au 26 septembre 1781. Ils vont décrire, mesurer chaque pêcherie, pour la plupart destinée à la pêche à l’anguille, la distance séparant chacune d’elle, leur orientation, à une exception près, toutes ont un évasement vers l’amont, leur nombre, la hauteur des eaux, les obstacles créés par les vestiges d’anciennes pêcheries. Ils vont ainsi inventorier une trentaine d’écluses.
Le document final dénombre à cette époque une trentaine de pêcheries en activité. La conclusion de la commission est que d’une manière générale, ces pêcheries ne nuisent pas à la navigation.

En 1783, les États de Bretagne établissent une Commission chargée, d’une part d’améliorer le cours de la Vilaine et, d’autre part, d’étudier les diverses possibilités permettant de relier entre eux les ports de guerre bretons afin de favoriser le transport intérieur de marchandises et d’éviter les conflits maritimes. La Vilaine va subir des modifications importantes.

Le 10 juillet 1784, l’ingénieur en chef de Bretagne Frignet écrit aux commissaires de la commission afin d’obtenir la destruction des pêcheries « depuis Redon jusqu’à la mère (sic) de Murin et même jusqu’à Brin, à l’exception de la partie qui sera abandonnée à la coupure de Panfault…  Elles  cassent et embarrassent le courant même celles des dites pescheries qui auraient pu être autorisées par titres, sauf à indemniser s’il y a lieu. Plusieurs de ces pescheries ont déjà été détruites par ordonnances des eaux et forêts… ». Le 20 juillet 1784, la commission autorise ces destructions.

Le 27 décembre 1789, Julien Ricordel et Luc Bautamy demandent une indemnité au Sieur Roulin, sous-ingénieur des Etats de Bretagne, pour la destruction de leurs trois écluses situées au Rocher de Painfault dans les prairies ou marais des Hayes, l’écluse de Mary, l’écluse Sourget, l’écluse Neuve. D’une contenance d’un journal, le produit de la pêche est évalué à plus de deux cents livres par an. En 1788, la redevance féodale est de 6 sols par écluse et la valeur d’un cent d’anguilles est de trente sous.
Le sous-ingénieur de la navigation Roulin répond à la requête « tendante à obtenir une indemnité pour les écluses dont ils disent être privés depuis l’ouverture du canal dans le pré Deshayes en amont de la montagne de Penfault. »
« Nous, sous ingénieurs de la navigation de Bretagne, certifions qu’avant l’ouverture du nouveau canal, il existait différentes douves ou pour mieux dire des intersignes d’anciennes douves sur le bord desquelles il y fait très peu de fauche et de si petite valeur si on pouvait leur en donner que dans le tems on ne nous fit aucune réclamation. Il suffit d’avoir vu ce qu’on appelle les écluses pour la pêche pour être assuré qu’ils augmentent de plus de cinq sixième le terrain qui renfermoit les différents bras d’écluses. Depuis Brain jusqu’à Rhedon il y avait un nombre infini de ces sortes de pêcheries tans dans le lit de la rivière que dans les marais voisins ; la plupart abandonnées parce que l’exhaussement des terrains changeant les courants les rendent inutiles…». Rennes, le 27 décembre 1789. Roulin Duclos.

L’instauration d’un système d’adjudication de la pêche sur la Vilaine et ses affluents après la Révolution

Treize années après la révolution, la loi du 14 floréal an X (4 mai 1802) instaure pour la pêche un système de fermage. L’article 12, précise que « nul ne pourrait pêcher dans les fleuves et rivières navigables s’il n’est muni d’une licence ou s’il n’est adjudicataire de la ferme de la pêche ». et l’article 13 que « Le gouvernement déterminera les parties des fleuves et rivières navigables où il jugera la pêche susceptible d’être mise en ferme et il réglera pour les autres les conditions auxquelles seront assujettis les citoyens qui voudront y pêcher moyennant une licence ».

Le 26 messidor an X (15 juillet 1802), le sous-inspecteur des eaux et forêts adresse un questionnaire au citoyen Bayme, sous-Préfet de l’arrondissement de Redon. Il s’agit de déterminer les espèces dominantes de poissons de Messac à Redon et de Redon à la mer, ainsi que le produit de la pêche, le nombre de cantonnements à établir et enfin sur quels marchés et dans quelles communes se vendent les poissons provenant de cette partie de la Vilaine.
Dans sa réponse du 12 thermidor an X (31 juillet 1802), le Sous-Préfet de Redon note que les espèces dominantes en Vilaine sont de Messac à Redon : le gardon, la brème, la carpe, l’anguille. Pour cette zone le produit de la pêche est évalué à 300 francs par an.

Le 15 ventôse an XII (6 mars 1804), l’Administration générale des forêts, reprend les articles de l’ordonnance de 1669 et édite un cahier des charges qui fixe les conditions de pêche :
« Les fermiers pourront pêcher en quelques jours ou saisons que ce puisse être à autre heure que depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, sinon aux arches des ponts, aux moulins et aux gords ou se tendent des dideaux auxquels ils pourront pêcher tant de nuit que de jours. …
La pêche autre celle des saumons, aloses et des lamproies ne pourra avoir lieu durant le temps de frai, savoir aux rivières où la truite abonde sur tous les autres poissons depuis le 10 pluviôse (31 janvier) jusqu’au 25 ventôse (16 mars) et aux autres depuis le 10 germinal (31 mars) jusqu’au 10 prairial (30 mai)…Les fermiers ne pourront mettre bires ou nasses d’osier à bout des dideaux en temps de frai. … Ils peuvent y mettre des chausses ou sac de moule de 4 cm en carré mais après le temps de frai passé, ils pourront y mettre des bires ou nasses d’osier dont les verges seront éloignées les unes des autres de 3 cm au moins… Défendu aux fermiers de se servir d’aucun engin, harnais prohibés par les anciennes ordonnances et en outre de ceux appelés giles, tramail, furet, épervier, chaslon et sabre et tous autres qui pourraient être en vente aux dépens des rivières. »

De plus, les fermiers ne pourront sous quelque prétexte que ce soit se servir ni placer des engins qui puissent nuire au cours de l’eau et gêner la navigation.

Le 13 germinal an XIII (3 avril 1805), dans un courrier au Citoyen Bayme Sous-Préfet de Redon, le Préfet d’Ille-et-Vilaine rappelle , conformément à l’art. 14 du titre 5 de la loi du 14 floréal an X et de l’art. 1 de l’arrêté du conseil d’état du 17 nivôse an 12 (8 janvier 1804), que toute autre pêche que celle à la ligne flottante tenue à la main est interdite à tous individus qui ne seraient pas fermier de la pêche et conséquemment celle des civelles ne peut être tolérée puisqu’on est obligé d’employer un instrument connu sous le nom de tamis.

La mise en place d’une réglementation stricte sur la pêche à la civelle et à l’anguille au milieu du 19ème siècle en Ile et vilaine

Dès le 27 septembre 1855, des pêcheurs exigent de pouvoir pêcher les anguilles pendant le débordement de la Vilaine avec un filet appelé tézelle (orthographié dans divers documents téselle, tréselle, etc.) en amont de Redon. «La rivière Vilaine traverse dans les communes de Brain, Massérac, Bains et Redon des prairies dont le sol est un amas de vases et de tourbes.
Dans les temps secs et lorsque les eaux sont tout à fait basses, on trouve dans ces terrains des amas considérables de petites anguilles de la grosseur du petit doigt, ces petites anguilles ont été formées par les innombrables civelles qui montent tous les cours d’eau au mois de mai et sont toujours contre le courant même par-dessus et par-dessous les roues des moulins et se répandent partout ou elles trouvent un filet d’eau. Elles se développent et croissent aux fonds des marais, s’enfoncent dans les vases et les tourbes, quelques fois à plus d’un mètre de profondeur.
Si, lorsque vers les mois d’octobre et de novembre les pluies font déborder les rivières les eaux se répandent sur les prairies, délaient le sols, ces anguilles sortent de leurs repaires descendent la rivière, elles sont emportées par les eaux torrentielles jusqu’à la rivière et on ne sait ce qu’elles deviennent. De tout temps jusqu’à ces dernières années, les riverains les attendaient au passage, on les pêchait à l’aide d’engins, aux filets appelés tézelles dont les mailles doivent être assez étroites pour retenir le petit poisson. Ces anguilles étaient ensuite salées et mises en pots ou en barils et faisaient l’objet d’un commerce considérable.

Depuis quelques temps l’agent de la pêche à Redon, le Sieur Chollet a cru devoir s’opposer à cette pêche ou du moins veut-il souffrir que l’emploi du filet à mailles beaucoup trop larges pour retenir ce petit poisson.
Les pêcheurs n’ont cru pouvoir mieux faire que de s’adresser directement à Monsieur le Préfet. Ils pensent que l’agent de la pêche fait erreur, que l’article 2 de l’ordonnance du 15 novembre 1830 et l’article 8 de l’arrêté de M. le Préfet du 21 octobre 1853 bien entendu autorisent la pêche mais ils n’ose se mettre en opposition avec l’agent de la pêche.
Ils ont l’honneur de supplier Monsieur le Préfet de vouloir bien lui faire savoir ce qu’ils doivent en penser. Ils prient de vouloir bien faire attention que la pêche pour laquelle ils réclament est très intéressante pour le pays… On fait observer que lorsque toutes les eaux sont débordées toute autre pêche que celle des petites anguilles est impossible, on ne doit pas craindre l’emploi des tréselles pour une autre pêche, du reste la surveillance de l’agent est assez active pour rendre cette crainte inutile…»

Le 7 octobre 1855, en réponse à cette demande, un sous inspecteur de la direction générale des forêts adresse aux pêcheurs un procès verbal de reconnaissance et justifie l’interdiction de la trésselle à petites mailles. « Lorsque au commencement de l’année 1853, nous fûmes délégués pour procéder contradictoirement avec messieurs les agents de la Marine à la reconnaissance et à la fixation du point de la salure des eaux dans la Vilaine, nous fûmes surpris de voir une multitude de riverains suivre une rive en tenant au bout d’une perche une espèce de vase qu’ils promenaient à la superficie de l’eau à l’aide duquel ils enlevaient la plus grande partie du frai d’anguille.
Nous apprîmes aussitôt par Monsieur le Commissaire de la Marine et par le garde maritime que ce frai se faisait cuire, qu’il devient blanc une fois la cuisson opérée et se mettait en forme de petits pains dont on faisait un trafic assez étendu et autant plus regrettable qu’il nuisait considérablement à la multiplication de l’anguille…. Nous avons vu vendre de ce frai à Blain et même jusqu’à Nantes.
Ainsi, ce n’est pas à la voracité de certains poissons, aux intempéries à la violence des courants et aux autres accidents semblables qu’il faut attribuer la première cause de destruction, c’est à l’avidité de certains gens qui, oubliant l’intérêt général et n’ayant pas d’autres buts que celui de chercher à gagner quelques argents sans s’inquiéter le moins du monde s’ils contribuent ainsi au dépeuplement des rivières, détruisent par millions des jeunes anguilles à peine écloses.
Durant leur évolution, elles deviennent en grande partie la proie des pêcheurs aussi Monsieur le Commissaire de la marine nous faisait-il très judicieusement observer que depuis quelques années l’anguille devenait par suite de cette pêche non seulement plus rare mais qu’il était impossible de s’en procurer d’une grosseur un peu convenable

L’arrêté du 19 décembre 1856, reprend les mêmes dispositions que celui du 21 octobre 1853 à la différence qu’il n’autorise pas la pêche la nuit. Suite à l’instauration de l’arrêté, la pêche à la civelle et à l’anguille fait l’objet de l’application très stricte de la réglementation en Ille-et- Vilaine, plus particulièrement dans la région de Redon. Certains engins sont interdits, tels la tézelle. Ces prohibitions destinées à préserver la ressource font l’objet de nombreuses contestations entre les pêcheurs et les pouvoirs publics. Les pétitions émanant des pêcheurs se succèdent d’année en année.

Le 18 janvier 1859, des pêcheurs d’anguilles des bords de la Vilaine envoient une pétition au Préfet du département d’Ille-et-Vilaine pour tenter d’assouplir la réglementation : « La pêche des anguilles dans la Vilaine est une industrie importante : elle fournit au commerce une grande ressource et fait vivre de nombreuses familles pauvres. Les anguilles montent en Vilaine vers le mois d’avril sous le nom de civelle, grosses comme des aiguilles à coudre, elles sont tellement nombreuses qu’un homme peut en prendre plusieurs hectolitres en quelques jours sans autre peine que d’écumer la rivière à l’aide d’un sas ou tamis.
On a défendu avec raison cette pêche ou plutôt cette destruction, c’était détruire son grain en herbe. Les civelles montent, montent tant qu’elles trouvent un filet d’eau : dieu les envoie peupler nos marais, nos ruisseaux, nos étangs nos mares. Elles y arrivent non seulement par eau mais encore par sous terre dans les moindres fissures du sol humide. Elles croissent rapidement et dans quelques mois deviennent anguilles. Dans le cours de l’année elles prennent la grosseur d’un doigt et retournent ensuite à la mer qui les avait envoyées.
C’est alors qu’on les pêche en arrêtant les déserteuses au passage. Et il y a ceci de remarquable qu’à l’état de civelles d’anguilles elles ne voyagent que durant la nuit, l’arrêté préfectoral de 1853 autorisait la pêche de l’anguille toute l’année. Celui de 1856 défend celle pratiquée pendant la nuit, c’est priver la population riveraine de la Vilaine surtout dans le canton de Redon d’une ressource très grande sans profit aucun pour personne, car les anguilles qui retournent à la mer sont toutes des anguilles perdues du moins pour les pêcheurs.
Il faut faire attention qu’il ne s’agit pas ici de cette espèce d’anguille qui stationne dans nos étangs et nos rivières. L’anguille qui se pêche en Vilaine en décembre est l’anguille voyageuse, on la sale, on la met en pot ou en baril, elle est livrée au commerce, et la marine surtout en fait une grande consommation.
Les pêcheurs de la Vilaine prient Mr le Préfet de bien vouloir rétablir les dispositions de l’arrêté de 1853 pour ce qui concerne la pêche de l’anguille, ce sera rétablir, pour la contrée une branche de commerce et d’industrie que l’arrêté de 1856 a totalement supprimée. »

Le 1 février 1859, la direction générale des forêts rejette cette pétition et donne ses arguments : « Si les anguilles ne voyagent guère que la nuit, les pêcheurs ont toute faculté de les prendre en tendant le soir des bires, nasses, bosselles, laissant les engins la nuit en rivière et les levant le lendemain matin, qu’ainsi la pêche s’effectuera réellement la nuit bien qu’en l’absence des pêcheurs ». « Que les décrets qui prohibent la pêche de nuit n’ont point en vue d’empêcher le poisson de se prendre entre le coucher et le lever du soleil mais bien de défendre aux pêcheurs de se transporter la nuit sur les rivières. Que si cette défense n’existait pas, il serait impossible qua personnes préposées à la surveillance de la pêche de reconnaître les pêcheurs, de vérifier si ceux-ci font usage de filets prohibés ou commettent tout autre délit de pêche. »

Les acteurs de la pêche à l’anguille

Les pêcheurs riverains

Jusqu’à la Révolution, « Le droit de pêche appartenait aux riverains, mais parfois le duc établissait un monopole au profit d’une abbaye…. » note Marcel Planiol, historien. Pour la basse Vilaine, de l’embouchure aux environs de Langon, ce droit revient aux Bénédictins de l’Abbaye de Redon, privilège qui leur a très souvent été contesté. Cette institution fondée au 9ème siècle par un moine appelé Conwoïon est détentrice des droits (passage, pêche) et propriétaire de pêcheries sur la Vilaine et ses affluents. Les pêcheurs qui vendaient leurs poissons (pêcheurs ou poissonniers) devaient avant tout apporter prioritairement leur marchandise à la porte de l’abbaye afin que les moines puissent choisir les meilleurs poissons pour ensuite commercialiser le poisson restant au marché.

Les habitants du marais de Redon

La campagne est peuplée et dès la fin du 19ème siècle, fournit une main d’oeuvre importante à Rennes, Vannes, Nantes et Paris. Jusqu’au milieu du 20ème siècle prédomine le régime de la grosse propriété foncière. La surface moyenne des exploitations est cependant de petite taille et très fortement parcellisée. Jusqu’à la fin des années 50, « la surface moyenne des exploitations est encore de 6 à 7 hectares, ce qui est très faible, avec de surcroît un parcellaire infini, partout bocage et talus. Certains champs sont de véritables mouchoirs de poche ». Ces terres appartiennent à de gros propriétaires terriens et sont tenues par de petits paysans, le métayage est la formule la plus courante. Le progrès technique tarde, les ruraux vivotent et sont très soumis aux propriétaires terriens qu’ils choisissent pour maires, sénateurs ou députés. Le clergé s’occupe de la scolarité, cherchant au passage les esprits les meilleurs afin de les diriger vers la prêtrise. Il s’occupe aussi des loisirs des jeunes ainsi que de l’action sociale. Il n’est pas possible de rester nombreux sur de toutes petites exploitations, pour trouver du travail dans ce contexte, l’émigration est le lot commun des plus hardis.

Dans une région régulièrement inondée une bonne partie de l’année, l’activité agricole est limitée à la récolte du foin, au pâturage, à la chasse et à la pêche surtout à l’anguille, espèce particulièrement abondante qui apporte aux habitants des subsides non négligeables. Pour certains, la pêche représente un gagne pain essentiel, pour d’autres un complément de revenus. Peu d’hommes d’Avessac travaillaient à l’usine, au contraire de certaines communes comme Rieux, St Jean la Poterie, Saint Nicolas.
J. Pasgrimaud écrit : « La pêche à l’anguille constituait dans certains marais une véritable activité professionnelle dont vivaient parfois des villages entiers ».

Mais une particularité caractérisait le bourg d’Avessac. C’était en effet la seule commune du marais de Redon à avoir eu des pêcheurs professionnels. Ce statut avait été instauré grâce au propriétaire de Murin, qui était alors négociant de poissons d‘eau douce au Lac de Grand Lieu. Avessac a ainsi connu 5 pêcheurs professionnels.

En 1950, en plus des pêcheurs professionnels, 11 « équipages » étaient des agriculteurs.

Les anciens professionnels avouent avoir été à maintes reprises, obligés de se « battre » contre l’administration qui voulait supprimer les droits de pêche aux engins.
La pêche à l’anguille d’avalaison était autorisée du 1er octobre au 15 février, tous les jours sauf du samedi 18h au lundi matin 6h. On appelait cette période la « relève hebdomadaire ». La pêche au « garciau » ( nom gallo pour désigner l’anguille au ventre jaune) était autorisée toute l’année.

Mais depuis plusieurs décennies, le nombre d’anguilles diminue considérablement. Les raisons en sont diverses: une pêche surabondante des civelles, les maladies ( l’anguillicolose) ,  la présence du barrage d’Arzal, les bouchons vaseux chargés de polluants au niveau de l‘estuaire.

Les témoignages recueillis auprès d’habitants du marais confirment l’importance des populations d’anguilles au début du 20 ème siècle.

« On pêchait, en premier dans la saison, les « garciaux » après, on pêchait les « ventres bleus ».

Il y avait parfois tellement d’anguilles qu’elles formaient des « nids » . A Painfaut, lorsqu’on sautait sur les « levis » (grosses mottes herbeuses), les anguilles sortaient de partout. »

Un riverain du marais nous raconte qu’il pêchait environ 15 tonnes d’anguilles par an. Une bonne pêche, c’était 400 à 500 kilos par pêche!
« Les marchands venaient chercher les anguilles sur place, après, comme il y en avait trop, nous vendions la pêche lors de tournées de villages: Plessé, Bains, Ste Marie, St Just.
Les pêcheurs professionnels vendaient leur pêche à la maison Josnin, à Grandlieu, aux halles de Nantes ainsi qu’à quelques restaurateurs locaux comme le Poteau Vert, à St Nicolas.« 
Les anguilles étaient vendues mais aussi données en échange de services rendus.

Les poissonniers

Encore appelés chasse-marée, les poissonniers ravitaillent les villes avec les poissons qu’ils ont eux-mêmes pêchés ou achetés aux pêcheurs et aux exploitants des pêcheries riveraines et qu’ils revendent aux hôteliers, restaurateurs, traiteurs, sur les marchés ou aux abbayes de la région. A Redon, la vente du poisson doit se faire prioritairement aux moines de l’abbaye, à la porte de l’établissement, sous peine de confiscation de la marchandise. Ce privilège a fait très longtemps l’objet de nombreuses plaintes et procédures.
Plusieurs textes du 19ème font référence à l’anguille dans le commerce. « Ces anguilles étaient ensuite salées et mises en pots ou en barils et faisaient l’objet d’un commerce considérable ». « L’anguille qui se pêche en Vilaine en décembre est l’anguille voyageuse, on la sale, on la met en pot ou en baril, elle est livrée au commerce, et la marine surtout en fait une grande consommation ».

Les usages dont l’anguille a fait l’objet

L’anguille est avec le saumon, l’alose et la lamproie, le poisson le plus recherché. La recherche bibliographique a permis de mettre en avant les deux usages principaux dont l’anguille a fait l’objet : l’anguille était avant tout une ressource vivrière mais aussi un moyen de paiement.

Consommation

Si l’anguille a pu jouer un si grand rôle, et pas seulement dans le bassin de Redon, cela tient pour une part à certaines qualités qui en font un mets éminemment comestible. Sa chair contient moins d’eau que celle des autres poissons, elle est particulièrement riche en protéines, sa valeur énergétique n’a pas d’équivalent parmi les viandes de boucherie. Bref, la prédilection affichée par les borduriers (habitants du marais) pour les plats d’anguilles ne manque pas de fondements objectifs. Dans la cuisine locale, aucune nourriture qui fasse l’objet d’une préférence aussi marquée, à la seule exception de la charcuterie. L’anguille est d’ailleurs perçue comme un équivalent du porc ; on l’appelle quelquefois, par plaisanterie, « cochon de marais ».
Abondante dans les eaux du marais, pas trop difficile à prendre, d’une haute valeur nutritive, voilà quelques unes des qualités objectives que possède l’anguille. Qu’on la déclare en outre savoureuse, cela relève de la subjectivité culturelle. 

Dans quelques départements de France, et particulièrement dans le département d’Ille et Vilaine, lorsque les pêches d’anguilles étaient très considérables, surtout au moment des crues ou des inondations, « Les anguilles étaient … salées et mises en pots ou en barils » . Les barriques étaient ensuite fermées et le poisson s’y conservait pendant tout l’hiver, dans une espèce de saumure. Les habitants de la campagne aiment beaucoup ces conserves ; pour en faire usage, ils coupent l’anguille par tronçons, et la font cuire ou rôtir sur des charbons.

Don et mode de paiement

Très recherchée, l’anguille va aussi servir comme moyen de paiement. Elle fait l’objet de rentes comme le constate Dom Morice : Jean de Rieux, fondateur d’une maison de religieux de l’ordre de la Sainte-Trinité fait don de « quatre vingt livres de rente et quelques autres droits et procloftures, cinq cents petites anguilles, sur les pescheries de Saint-Perreuc au premier jour de carême…. Donné à Rieux le 16 janvier 1345 ».

Les terres, les bâtiments, faisaient l’objet de transactions, de baux et sous-baux payés en monnaie et souvent complétés en nature en fonction de la destination de ces biens (tonneaux de vin pour les vignobles, blé pour les cultures…). Un document parchemin datant du 1er février 1490 mentionne : « Afféagement pour Michel Le Doux seigneur de La Masseaye à…. Nepvou de l’écluse Merhau à cherge d’en payer 10 livres de rente dus à l’abbaye de Redon et au dit Ledoux 300 anguilles bonnes et compétentes et deux grosses, sur l’hypothèque sur tous les biens du dit Nepvou et d’une maison sise à Bain -1/02/1490 ».
Un autre document relate le paiement du bail d’une pêcherie sur la Vilaine en nature, en fournissant un cent d’anguilles : « le 8 septembre 1783, Robert Bourgouin baille à Joseph Olivier un huitième d’écluse au lieu dit Rochard en Avessac pour un 100 d’anguilles. »

Les moulins faisaient aussi l’objet de locations et de sous-locations, tel le bail à ferme des moulins de Chancor « consenti par François Champion Sieur de Cicé et des Croix à Julien Gasche Sieur de la Fayette et à jean Fracy Sieur de la Rocoquais moyennant 200 écus. (27 octobre 1580) . Ce moulin va être « sous fermé » par les Sieurs Farcy et Mérault à Guillaume Gérard de la paroisse de Chartres pour le prix annuel de 233 écus ou 700 livres tournois, plus six cent anguilles au jour de Noël (15 novembre 1583) ».

L’évolution du marais depuis le barrage d’Arzal

Le barrage d’Arzal a été construit dans le cadre de grands travaux réalisés dans l’Ouest: il fallait gagner sur les zones humides. Le but était d’une part de mettre le marais en culture et d’autre part, de lutter contre les inondations. Toutes les terres de marais devaient être mises en culture. Les projets de culture étaient les suivants:

• la betteraves sucrière,
• la pomme de terre avec des graminées telles que l’orge de brasserie et le maïs fourrage,
• les navets et la moutarde.
La culture du riz avait même été envisagée!!.
Les agriculteurs étaient majoritairement contre le projet du barrage.
Le propriétaire de Murin y croyait pourtant, il s’était ruiné pour mettre le lac en culture, un ingénieur hollandais était venu. Des digues avaient alors été élevées avec des systèmes de vannage. Il avait réussi à planter quelques betteraves, mais rien n’a tenu et la nature a repris ses droits.

Après la construction du barrage d’Arzal, les pratiques agricoles n’ont pas changé, à part quelques tentatives de plantation de maïs dans les années 80.

Ce n’était pas une bonne culture car il détruisait la flore. Sur la «vieille couenne» (l’humus), au début, il poussait bien; puis une fois qu’il avait utilisé tout l’humus, la terre étant argileuse, elle ne lui apportait pas suffisamment de nutriments, le rendement n’était pas bon. Il aurait fallu l’enrichir en azote. Il y avait la pression des vendeurs de fertilisants.
La culture du chanvre avait également été tentée par certains fermiers mais c’était difficile Les bottes étaient lourdes, il était coupé à la faucheuse. Il servait à fabriquer de la pâte à papier.

Aujourd’hui, force est de constater que les objectifs n’ont pas été atteints. Seuls, les peupliers de Gargouille ( vers le Pordor) témoignent de l’engouement pour une mise en culture des marais. La majorité des personnes rencontrées s’accordent à dire « qu’Arzal a foutu le marais en l’air ».

L’élan de la navigation de plaisance et la fourniture d’eau potable permettent aux tenants du projet d’avancer que, globalement, le bilan est positif. Le barrage a permis de gagner quelques jours sur les pics d’inondation. Ainsi, la crue de 1995, selon des études, aurait atteint son pic maximal 3 jours après s’il n’y avait pas eu le barrage.

Un autre effet de la construction du barrage est la disparition de l’influence des marées. Leur effet était visible dans le marais, en période d’inondation. Par exemple au Pordor, en temps normal, l’eau arrivait au pont de chemin de fer, les jours de grande marée, elle montait jusque sur le chemin de l’entrée du château. A marée basse, la Vilaine se vidait.
Bien sur, la présence du barrage a considérablement influé sur la période de « recouvrement » du marais: avant Arzal, les marais étaient couverts de novembre à mars, parfois beaucoup plus, jusqu’en mai, soit 7 mois. Aujourd’hui, il est des années, où il ne se « couvre » plus.

C’était trop vite oublier que les marais fonctionnent comme une éponge vis-à-vis des eaux superficielles. Ils participent à la régulation du débit des cours d’eau et ce, naturellement. En période humide, en emmagasinant les eaux de surface, ils diminuent l’importance des crues. Au contraire, pendant les périodes sèches, ils évitent les étiages (baisse de niveau d’eau) en réalimentant les cours d’eau.
Les zones humides inondables contribuent à réguler les effets de crues en permettant leur étalement et en protégeant les zones aval de débordements excessifs. En outre, elles ont un rôle épurateur ( absorption des nitrates) avant rejet à la rivière. Ces zones jouent un rôle important pour la qualité des eaux et la régulation des écoulements.

Projets

Il apparait difficile d’évoquer le passé du marais parler de son avenir. A ce titre, le syndicat mixte « Eaux et Vilaine » est en charge du dossier Natura 2000. Après les inventaires, les états des lieux, différents projets et programmes d’entretien du marais sont soutenus par cette entité, appuyés des collectivités territoriales.

De nombreux risques menacent l’équilibre écologique du marais, entre autres:

  • le risque de destructuration d’habitats avec la prolifération d’espèces végétales invasives ( l’élodée dense-Egeria densa, la jussie- Ludwigia grandiflora, le myriophylle- Myriophyllum aquaticum) ,

• les modifications des conditions hydrologiques de ces milieux par un assèchement prolongé,

• l’eutrophisation ( asphyxie du milieu aquatique dû à une accumulation excessive de nutriments dans l’eau),

• l’envasement,

• les traitements chimiques à proximité des points d’eau,

• l’entretien trop dense des cours d’eau et des douves qui entraineraient la disparition de la biodiversité de ces milieux,

• l’empierrement des chemins de marais modifiant les conditions de substrat et d’inondation.

A partir de ces risques et de l’état vulnérable du milieu, des objectifs ont été définis:

• soutenir et conforter les pratiques agricoles de fauche et de pâturage extensif,

• assurer l’entretien du réseau hydrographique en préservant la biodiversité,

• contrôler l’extension des espèces végétales envahissantes,

• faire respecter la réglementation existante sur l’eau et oeuvrer pour une meilleure qualité de l’eau,

• optimiser la gestion des niveaux d’eau,

• limiter l’érosion des berges,

• favoriser les techniques de lutte sélective contre les espèces envahissantes pour préserver les espèces autochtones.

A terme, l’enjeu est de:

• conserver les prairies sur l’ensemble du territoire du site,

• maintenir des chemins de terre en zones inondables,

• conserver un régime minimal des crues,

• préserver les plans d’eau et les mares,

• conserver la diversité des habitats aquatiques.

La gestion de l’eau représente une des préoccupations majeures.

Les agriculteurs sont demandeurs de niveaux d’eau bas a la sortie de l’hiver et surtout au début du printemps, afin de permettre la repousse de l’herbe. En fin de printemps et en juillet, ils ont également besoin de prairies sèches pour récolter le foin ou pour le pâturage. Cette demande est particulièrement importante pour les agriculteurs qui exploitent les marais bas, facilement inondés en période de crue et également les premiers concernés par un rehaussement du plan d’eau de la Vilaine.

Il est donc impératif de trouver un compromis entre les agriculteurs qui exploitent les marais et la gestion des niveaux d’eau afin de leur permettre de récolter un foin de bonne qualité fourragère.
La gestion des niveaux d’eau et donc la gestion des prairies, ne peuvent être abordées sans prendre en compte l’entretien du réseau de douves qui permet un ressuyage des sols d’autant plus efficace qu’il est bien entretenu et donc une repousse de l’herbe d’autant plus rapide.

Dans une démarche globale de reconquête des champs d’expansion des crues dans le bassin de la Vilaine, il semble inapproprié que de nouvelles peupleraies soient implantées sur le site. Les peupleraies contribuent également a appauvrir la biodiversité. La reconversion de ces milieux en prairies est donc également souhaitable.

Cet article met en évidence l’intérêt écologique exceptionnel du marais de Vilaine, confirmé par l‘inventaire réalisé en 2005, dans le cadre de Natura 2000. 

Cette richesse naturelle a malheureusement subi de fortes atteintes, aboutissant parfois à la disparition de certaines espèces, végétales ou animales.

Les dispositions préconisées pour rétablir l’équilibre naturel de ce milieu doivent toutes répondre à un même objectif: réhabiliter l’aspect fonctionnel du marais en particulier dans le domaine du vivant.