Alors que les bretons s’installent durablement chez nous et que Nominoë affirme l’indépendance de la Bretagne, surgit l’un des pires fléau de notre histoire: les vikings, venus du nord de l’Europe et qui sur leur passage détruisent tout. Les faits sont si contemporains les uns des autres qu’on assiste tout à la fois à l’émergence d’une Bretagne indépendante et puissante et à sa ruine complète.
Le 24 juin 843 marque le début des invasions vikings en Bretagne. Ce jour là, ils débarquent à Nantes, détruisent la ville, assassinent une partie des habitants et en emmènent une autre partie comme prisonniers.
Les premières intrusions vikings sur le secteur
Il faut alors attendre encore une dizaine d’années pour que les vikings rentrent en contact avec notre secteur. C’est en 854, sous le règne d’Erispoë, qu’une flotte de 103 navires vikings remontent la Vilaine et se présentent devant Redon. C’est à cette occasion que Ratvili, auteur de la « Geste des premiers saints de Redon » relate ce qu’il présente comme un miracle. En effet , alors que les vikings se présentent devant Redon, un orage terrible éclate. Ceux-ci, pris de frayeur, selon Ratvili, se soumettent . La réalité semble différente. Jean-Christophe Cassard, dans son ouvrage « Le siècle des vikings en Bretagne » pense plutôt que les moines, pour épargner leur abbaye, acceptent de verser une lourde rançon et que Ratvili camoufle comme il peut la vérité. Il admet d’ailleurs que si les vikings épargnent Saint Sauveur, ils reportent leur soif de violence sur le secteur qu’ils ravagent, « capturant hommes et femmes, boutant le feu aux demeures « . Nul doute que le pays d’Avessac, situé en bordure de Vilaine, ait dû subir les effets de leurs attaques.
Les vikings reviendront à nouveau, en 864, ou selon d’autres auteurs vers 868, et pillent cette fois Saint-Sauveur.
Les moines s’enfuient, à moins qu’ils n’aient déjà trouvé refuge dès 862 à Plélan, sous la protection du roi Salomon. St Conwoïon, meurt là en 868 sans revoir l’abbaye de Redon qu’il a fondée.
Salomon , roi de Bretagne, et lis Penfau
Erispoë, nous l’avons compris, n’est plus alors au pouvoir. Il a été assassiné en 857 par son cousin Salomon, nouveau roi de Bretagne. Celui-ci mène, comme ses prédécesseurs, une politique de conquête vers l’est. Il s’allie parfois avec les vikings, qui à l’époque, débarquent régulièrement sur nos côtes, et d’autres fois avec les francs, lorsque les premiers deviennent trop menaçants. Cette politique semble lui réussir. Il étend son royaume jusque dans le Maine, au « pays entre les eaux », entre la Sarthe et la Mayenne, et récupère le Cotentin précédemment perdu. Il peut alors se targuer d’être « Prince de toute la Bretagne et d’une grande partie des Gaules ».
Salomon, pour diriger et défendre son royaume, se déplace souvent, allant de demeure en demeure. L’une d’elles semble devoir être située sur notre secteur, à Painfaut. L’on sait, en effet, que Pascweten cède la terre de Rancaruuen à Saint -Sauveur de Redon en vue d’obtenir la guérison du roi Salomon, son beau-père, « malade à lis Penfau« . Tout porte à croire que ce lis est bien notre Painfaut. C’est tout du moins l’avis d’Arthur de la Borderie qui avait étudié le problème en son temps. Certes, il ne reste aucune trace, mais l’architecture à l’époque utilise essentiellement le bois. On note par ailleurs, l’ancienne appellation de Castel-Well, « château élevé », dans une donation faite en 842 ou 848 par Ricoglin, prêtre et tenancier du lieu, à Redon. Il donne son « monasteriolum quod vocatur Castel Well, sitam super ripam, Visnonici fluminis in plebe nuncupata Avizac ». Les auteurs successifs situent ce petit couvent dédié à saint Samson, sorte d’ermitage, à Painfaut, où subsistent encore un lieu dit portant le nom de « Couvent de Painfaut ». Il dut disparaître peu de temps après la donation puisque n’apparaissant plus jamais dans aucun document. L’appellation de Castel-Well indique qu’il y avait là de toute évidence, avant même l’ermitage et avant même le lis de Salomon, un château fortifié. Rien de surprenant à cela. Painfaut, par sa situation géographique, dans un méandre de la Vilaine, constitue un site facile à défendre. Nous allons voir d’ailleurs Salomon camper sur Avessac alors qu’il fait la guerre aux vikings.
869: une année riche en évènements
869 est une année riche en événements pour le secteur d’Avessac. En mai, le roi Salomon campe donc sur Avessac, « un pago namnetico in plebe Clavizac ». Est-ce à « lis Penfau », ou ailleurs, là où par exemple Bizeul décrit un camp au dessus de la Madeleine, en Saint Nicolas de Redon ? Nous l’ignorons. Ce que nous savons c’est que le roi Salomon tente là de contenir l’ennemi viking, mais qu’il préfère finalement négocier plutôt que d’engager un combat qu’il sait incertain. Le 25 mai, lui et Hasting, chef des vikings tombent d’accord: Salomon s’engage à livrer 500 vaches et accorde à Hasting et à ses hommes le droit de s’installer en Bretagne, à condition de cesser leur pillage.
C’est à cette occasion que Gurwand, gendre d’Erispoë et lieutenant de Salomon, se signale par sa bravoure. Un soir, alors que les soldats discutent entre eux de la cruauté et de la hardiesse des vikings, Gurwand, excédé par le défaitisme des autres, finit par crier bien haut que les normands ne lui inspirent aucune crainte et que si le roi Salomon venait à se retirer, lui, Gurwand resterait avec ses hommes, 200 guerriers, pour attendre de pied ferme l’ennemi. Ayant eu connaissance de cette histoire, Hasting se charge de le rappeler à Salomon alors qu’il vient de passer accord. Le roi, fort ennuyé fait venir Gurwand qui reconnaît ses propos téméraires et demande à les honorer. Salomon ayant refusé, Gurwand lui répond: « Alors, Seigneur, je quitte ton service et je reste ici avec mes hommes ». Salomon parti, Gurwand et sa troupe attendent 5 jours qu’Hasting se manifeste. Celui-ci enfin lui donne rendez-vous en un certain gué de la Vilaine. Gurwand s’y rend et jugeant la rivière encore trop protectrice, la traverse et se poste face à l’ennemi invisible. Hasting, stupéfait d’une telle audace, n’ose paraître et reste caché. Ayant bravé cinq heures durant l’armée normande Gurwand juge son honneur sauf et se retire .
Mais il semble que l’accord passé entre Salomon et Hasting ne tienne pas longtemps et que les vikings reprennent leurs ravages. Le Marquis de l’Estourbeillon nous relate les faits suivants.
Secondé par Gurwand, Salomon prépare, toujours sur Avessac, une embuscade sur les landes de Crétumez. Le 7 octobre , il inflige avec ses soldats une sanglante défaite aux hommes du nord, sur les coteaux qui aujourd’hui, portent le nom de « buttes de la Déroute ». La victoire semble cependant de courte durée et les vikings se ressaisissent et repartent à l’assaut.
Butte de Crétumez: sous les arbres se trouve comme
un retranchement linéaire fait de grosses pierres, peut être levées par les hommes de Salomon.
Gurwand ayant construit des retranchements fortifiés du côté, semble-t-il, de la Hunaudière ou de Gavressac, s’y réfugie. Il résiste tant qu’il peut, trois jours durant, avant d’abandonner le terrain. Seul à notre connaissance le Marquis de l’Estourbeillon parle de cet événement. Il semble pourtant tirer l’information du cartulaire de Redon qu’il cite en référence.
Le temps de l’anarchie puis du retour à l’ordre
En 874, Salomon est à son tour assassiné par son gendre, Pascweten et par Gurwand, gendre d’Erispoë. S’ensuit une période de conflit entre les deux assassins pour la prise du pouvoir. Les vikings en profitent et pillent tout à leur aise, s’alliant à l’un ou à l’autre, selon leurs intérêts. En 875, ils remontent jusqu’à Rennes. Mais Gurwand les repousse. Ils se réfugient alors dans l’abbaye Saint- Melaine de Rennes qu’ils pillent et profitent de la nuit pour s’échapper, chargés de leur butin. La tradition raconte qu’à l’arrivée des vikings sur le secteur de Murin, l’une des barques, surchargée, coule. On raconte encore que certains soirs, on entend le son des cloches de Saint-Melaine au fond du lac .
L’avènement d’Alain le Grand, fils de Pascweten, en 888, après la mort de Judicaël, fils de Gurwand, marque un temps de paix pour la Bretagne. Mais sa mort en 907 replonge la Bretagne dans l’anarchie. Les vikings en profitent, remettent un pied dans la région et redoublent de violence. Nombre de responsables laïcs et religieux fuient le pays et laissent le petit peuple à son triste sort. C’est à cette période de l’Histoire que fait allusion l’un des tableaux de la sacristie d’Avessac. Il représente les moines de Landévennec, portant les reliques de saint Wallay (ou Guénolé) au lieu dit de la Croix Saint Martin du côté de Séreignac. Du passage des moines sur le secteur viendrait le choix de saint Guénolé comme patron de la frairie de Penhouët. Mais il n’existe aucune preuve à propos de cet événement. De cette époque date par ailleurs l’abandon de certaines structures traditionnelles bretonnes telle que l’institution politique des mac- thierns et que s’impose le système féodal.
En 937, Alain Barbetorte, petit fils d’Alain le Grand, revient d’exode et libère Nantes. En 939, il gagne la bataille de Trans et libère définitivement la Bretagne des vikings. Mais jamais plus, lui et ses successeurs ne porteront le titre de roi, se contentant, le plus souvent de celui de duc.
Sources
• « Cartulaire de Redon », (CR), réédition de 1998 par les « Amis des Archives historiques du diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo », Imprimerie Mame, Tours. Classification des chartes selon A. de Courson.
• « Naissance de la Bretagne: Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale de la fin du VIIIème siècle à la fin du XIIème siècle », N.Y. Tonnerre, Bibliothèque Historique de l’Ouest, Presse de l’Université d’Angers, 1994.
• « Le Pays de Redon et le destin celtique de la Bretagne », Erlannig, Joseph Floch Imprimeur-Editeur à Mayenne, 1980.
• « Le pays de Redon sous les rois bretons », J.M. Dupont dans « Recherches en pays de Vilaine » Tome 1, édité par le groupement culturel Breton des pays de Vilaine, 1982.
• « Histoire de la Bretagne et des pays celtiques de la préhistoire à la féodalité », sous la direction de P. Honoré, Ed. Shol Vreiz, 1974.
• « Toute l’ histoire de la Bretagne », Coordination J.J. Monnier et J.C. Cassars, Ed. Skol Vreiz, 1999.
• « Racontez-nous Avessac », Abbé Joseph Le Berre, édité par la mairie d’ Avessac et l’ Abbé Le Berre, 1999.
• « Les frairies de la paroisse d’Avessac », deuxième édition, Marquis de l’Estourbeillon, Imprimerie Réunie A. Bouteloup et fils aîné, 1913.
• « Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne » par Ogée, nouvelle édition revue et augmentée par A. Marteville et P. Varin, 1845, Joseph Floch imprimeur-éditeur à Mayenne.
• « Le siècle des vikings en Bretagne » par Jean-Christophe Cassard, les Universels Gisserot, 1996.
• « Les fortifications du haut moyen-âge en Bretagne » par Philippe Guigon, institut culturel de Bretagne – Skol-uhel ar vro – collection « patrimoine archéologique de Bretagne », 1997.