Le récit qui suit reprend différentes informations trouvées dans divers ouvrages. Nous avons cherché à les resituer très simplement dans le cadre des évènements qui ont bousculé la France à cette époque. On citera notamment les travaux menés par le « Comité Liberté Egalité Fraternité 89 » de l’association « Nantes-Histoire » pour l’exploitation du cahier de doléances d’Avessac et l’ouvrage collectif de la même association sur les événements de mars 1793 en Loire-Inférieure, les témoignages recueillis par l’abbé Dulanloy sur les prêtres de l’époque et retranscrits par l’abbé Cahour, la synthèse déjà effectuée par l’abbé Le Berre sur cette période et l’ouvrage écrit par Laurent Cario sur l’histoire du Pordor. Nous n’avons pu en revanche retrouver la trace des délibérations municipales de cette époque qui pourtant auraient donné une toute autre dimension à ce travail.
La paroisse d’Avessac en 1789
La paroisse d’Avessac s’étend, en 1789 jusqu’au bourg de Saint-Nicolas de Redon qui, cependant, dispose déjà en tant que trève, d’une autonomie certaine, avec son propre « général de paroisse » et son prêtre desservant, Jean Maugendre. Trois autres frairies sont par ailleurs rattachées à Saint Nicolas de Redon : Rotz, Quinsignac et la Provostais. Le reste de la paroisse, composé de douze frairies, relève du bourg d’Avessac et de son église.
La seigneurie paroissiale appartient, en 1789, à Monsieur Guillaume de Mauger, âgé de 74 ans, seigneur du Pordor où il habite avec sa femme, et de la Châtaigneraie où demeure son procureur fiscal Joseph Mahé. La seigneurie de Penhouët est, à l’époque, une autre seigneurie importante d’Avessac. C’est Amand-Bon-Louis Maudet de Penhouët, officier de marine, âgé de 25 ans, qui en est seigneur depuis 1785, année où décède son père Bon-Georges-Alexandre.
Vers 1780, Ogée, ingénieur-géographe de la province de Bretagne, décrit la paroisse comme « un pays assez plat, à quelques vallons près, et fort étendu, dont la majeure partie est en landes. On y voit, dit-il encore, quelques terres en labour, beaucoup de prairies sur les bords de la Vilaine, et des bois dont le plus grand est celui du Pordo ». Sur le plateau domine la lande que les paysans défrichent à plusieurs pour gagner des « domaines » de plusieurs hectares, d’où le terme de « gagneries », tandis qu’en bordure de Vilaine et du Don, se trouvent les marais que dominent les côteaux et que les paysans s’efforcent de conserver en « communs ».
En dehors des quelques artisans et commerçants ruraux, regroupés pour l’essentiel dans les bourgs d’Avessac et de Saint-Nicolas, et des agents seigneuriaux constitutifs de la petite et moyenne bourgeoisie rurale, la grande majorité des habitants de la paroisse, qu’on peut estimer à plus de 3000 âmes en comptant celles de Saint-Nicolas, est attachée à la terre, comme laboureurs ou manouvriers. Il existe aussi des mendiants dont le nombre est difficile à estimer, tant ils laissent peu de traces dans les écrits.
Sur cette population attachée à la terre, pèsent de nombreuses charges: même propriétaire de sa terre le laboureur doit chaque an s’acquitter d’une rente auprès du seigneur dont il dépend, au titre du lien féodal qui l’attache à lui en tant que vassal. Qu’une succession ou une transaction ait lieu, le dit nouveau vassal se doit alors de rendre aveu à son seigneur au travers d’un document qui reprend l’ensemble des biens pour lesquels il est inféodé. Il doit aussi s’acquitter, à cette occasion, d’une taxe en espérant qu’aucune erreur ne se soit immiscée sous peine de payer encore une amende et de reprendre la rédaction de l’ aveu. Mais le laboureur doit encore au seigneur différentes « corvées » et autres « banalités ». Et pour ne rien arranger, Monsieur de Mauger, comme d’autres seigneurs de la région a en tête depuis quelques années de reprendre les « communs », dont chacun disposait jusqu’à présent à sa guise, pour les afféager et en tirer ainsi de nouveaux revenus.
Convocation des « Etats Généraux » et « cahiers de doléances »
Le royaume de France, en 1788, subit depuis plusieurs années une crise économique grave et le cardinal Etienne-Charles de Loménie de Brienne, contrôleur général des finances, sorte de premier ministre, tente depuis qu’il est à ce poste, de mettre en place des réformes. Il s’oppose alors au Parlement de Paris et doit bientôt envisager sa démission. Il obtient cependant de Louis XVI, roi de France, la convocation des Etats Généraux avant de démissionner le 28 août 1788.
La convocation des Etats est fixée au premier mai 1789 et on invite, par lettre royale du 24 janvier qui précède, chaque bailliage, ordre et paroisse à rédiger un cahier de doléances, pour mieux connaître les attentes du pays et à désigner des représentants. Le courrier arrive sur la paroisse d’Avessac au alentour du 25 mars et on décide de se réunir en assemblée générale à l’église le 1er avril sous la présidence du sénéchal François Thomas de Beauchesne, représentant du seigneur paroissial.
Combien sont-ils ce jour là de paroissiens à participer à cette assemblée? 44 hommes, habitants du bourg, de Saint-Nicolas de Redon et de la campagne, signent le cahier de doléances rédigé à cette occasion, mais d’autres hommes encore, plus de 400, sont présents également pour donner leur avis ou simplement écouter et approuver.
L’assemblée réunie s’appuie sur le « cahier des réclamations de l’ordre du tiers aux Etats de Bretagne » rédigé en l’ hôtel de ville de Rennes à l’issue des délibérations prises les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre 1788. Les paroissiens d’Avessac en reconnaissent tous les termes mais les complètent en faisant tout d’abord une brillante évocation de l’histoire de la féodalité pour en souligner les abus et les conséquences injustes et oppressives sur la paysannerie. Ils affirment aussi par ailleurs les principes de liberté et d’égalité de tous, tout en rappelant leur attachement au roi de France.
L’assemblée élit également ce jour là ses deux représentants à l’assemblée générale de la sénéchaussée de Nantes chargée de faire la synthèse des cahiers rassemblés. Cocaud de Painfaut et Dominé, tout deux avocats, sont ainsi désignés pour siéger à Nantes le lundi 6 avril 1789 à l’assemblée de la sénéchaussée.
La fin d’un régime
Convoqué pour le premier mai 1789, les « Etats » se réunissent pour la première fois à Versailles, le 5 mai. Dès cet instant, tout va très vite: les représentants du « tiers-état » commencent par exiger le vote par tête et non par ordre. Le roi ayant opposé son veto, ils se réunissent dans la salle du jeu de Paume et jurent le 20 juin 1789 de ne point se séparer avant de n’avoir donné à la France une constitution. Le roi semble céder à leurs revendications et invite les membres des deux autres ordres à les rejoindre, mais concentre en même temps des troupes autour de Paris, prêtes à intervenir. Le peuple se soulève, s’empare, le 14 juillet, de la Bastille et marque ainsi véritablement le début de la Révolution.
Dans les provinces et les campagnes aussi on s’impatiente. Des bruits courent: on raconte que des brigands pillent les villages et les récoltes. C’est la « grande peur ». On s’arme, mais ne voyant finalement rien venir, on se retourne vers les châteaux et on assiste aux premiers pillages, aux premières destructions d’archives et premiers incendies. La région, cependant, ne semble pas être trop affectée par ces mouvements. L’incendie criminel qui se déclare le dimanche 14 février 1790 et détruit une partie des archives de l’abbaye de Redon est, nous le voyons, plus tardif. Rien de particulier n’est à signaler sur ce sujet pour la paroisse d’Avessac. C’est tout au plus durant cette période, à moins qu’il ne le fasse plus tard au commencement de l’année 1790, que monsieur de Mauger fait monter au grenier, entassé dans des barriques, le chartrier seigneurial que retrouvera près de cent ans plus tard, en 1881, Monsieur Couëtoux.
L’assemblée constituante, formée par la réunion des trois ordres, en réaction à tous ces évènements, décide dans la nuit du 4 août, à la quasi-unanimité, de mettre fin au régime féodal et aux privilèges qui y sont associés. La rédaction des décrets dans les jours qui suivent atténue cependant quelque peu la portée de la décision initiale. On décide également dans les mêmes moments de créer les « gardes nationales » chargées de la protection des biens.
Suit plus tard, le 26 août, l’ adoption de la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen » et en septembre, les premiers articles d’une constitution qui limite les pouvoirs du roi.
Tous ces textes sont recopiés, par décision de l’ « assemblée constituante » sur le « registre des délibérations du Général » de chaque paroisse et affichés à la vue de tous. Sur Avessac c’est François Thomas de Beauchesne qui s’en charge, en tant que sénéchal et président du dit « général ».
Vient ensuite la réorganisation administrative du territoire. On s’attache tout d’abord à la réforme municipale pour répondre aux troubles qui persistent. Une première loi est votée le 14 décembre 1789 qui institue les communes, puis une seconde, le 22 du même mois, qui crée les départements, les districts et les cantons. La trève de Saint-Nicolas de Redon est alors détachée de l’ancienne paroisse d’Avessac pour devenir une commune indépendante dont le bourg devient du même coup chef-lieu du canton. On y rattache les communes d’Avessac, Fégréac et Plessé. qui dépendent également avec Saint-Nicolas du district de Blain et du département de Loire-Inférieure. Dés le mois de janvier 1790 on organise des élections dans chaque commune pour élire le maire et les autres représentants municipaux. Contrairement à la commune de Saint-Nicolas, nouvellement érigée, qui a su conserver les délibérations de l’époque, nous ignorons tout de l’organisation d’une telle élection sur la commune d’Avessac tout comme nous est inconnu le nom du maire élu cette année là.
Les premières désillusions et le mouvement des campagnes au début de l’année 1790
Toutes ces réformes, menées en si peu de temps, ne calment pas pour autant l’impatience du monde rural. Il est vrai que l’application de la loi du 4 août mettant fin aux privilèges des seigneurs qui pèsent tant sur les paysans, n’est pas à la hauteur des espérances. Bien des droits sont en réalité à racheter et seuls les plus aisés en ont les moyens. En octobre 1790, par exemple, plus d’une année après les grandes réformes de 1789, les héritiers de Joseph Séraud et Michelle Lefeuvre, demeurant en leur vivant à la Lombardière, reconnaissent encore relever prochement et roturièrement des seigneurs du Pordor et s’engagent à payer les rentes seigneuriales liées aux biens dont ils héritent.
Au début de l’année 1790, les troubles qui secouent les campagnes ne se sont pas estompées. Il apparaît d’ailleurs que l’idée d’un soulèvement prend corps du côté d’Avessac. En février, à partir des 9 et 10 de ce mois, la région, entre Blain, Redon, Pipriac, Bain et Derval connaît une flambée de violence anti-seigneuriale. Des groupes d’émeutiers, partis d’Avessac, composés en grande partie de paysans, visitent les châteaux pour s’emparer et brûler les archives seigneuriales. C’est à l’occasion de ces événements que le château de Penhouët est probablement détruit par le feu.
La constitution civile du clergé et l’action des prêtres durant la Révolution
La constitution civile du Clergé, votée le 12 juillet 1790 par la Constituante et promulguée par Louis XVI le 24 août de la même année porte essentiellement sur la réorganisation territoriale de l’Eglise, la nomination des responsables religieux par les électeurs et la rémunération par l’état du clergé séculier. Ce dernier point se présente comme une compensation à la perte des bénéfices liés à la suppression de la dîme et à la nationalisation des biens ecclésiastiques voulues par la Constituante pour réduire les dettes du royaume. La Constituante prévoit aussi un serment obligatoire de fidélité à la constitution civile du clergé. Celle-ci vise, de fait, à l’indépendance de l’Eglise de France vis à vis de Rome, sauf en matière doctrinale. Le Pape Pie VI, non consulté, s’y oppose et appelle l’ensemble des religieux à refuser le Serment.
Le clergé en charge des paroisses, généralement favorable aux premiers changements de la Révolution, se retrouve partagé sur l’attitude à adopter. Certains, fidèles au Pape, refusent d’entrée de prêter serment et deviennent des insermentés, d’autres l’acceptent, y mettent parfois des restrictions mais se rétractent aussi, parfois, dans un second temps. Les relations entre le pouvoir politique et l’Eglise se tendent, les populations prennent fait et cause pour leurs curés quand ils refusent le serment et qu’ils deviennent réfractaires. Les habitants des campagnes rejettent les prêtres assermentés qu’on veut leur imposer. On traite ces derniers d’intrus. Toute l’Eglise est alors bientôt soupçonnée par le pouvoir d’agir contre la nation. La chasse aux religieux est ouverte et la religion rejetée de toute vie publique. On instaure le culte de la Raison et les noms de saints sont abolis, tant dans le calendrier que pour les noms de lieux. Saint-Nicolas de Redon devient ainsi « L’Union-sur-Vilaine ».
L’attitude des prêtres sur Avessac à cette époque nous est rapportée par l’abbé Dulanloy, originaire de la paroisse, qui se chargea de collecter le témoignage de personnes vivant au moment de la Révolution. Pierre Potiron de Boisfleury, recteur de la paroisse en 1789, né à Derval en 1750, quelque peu ébranlé par les événements, préfère s’exiler en Espagne. Il ne revient, pour reprendre sa charge, qu’en 1803. Il meurt à Avessac le 31 mars 1807. Joseph Chauvin, agent national, habitant du bourg, se charge de conserver ses livres et registres qu’il stocke dans des barriques enfouies sous terre et les lui rend à son retour. Avessac n’eut jamais de prêtre assermenté pour le remplacer.
Jean Tainguis, vicaire de la paroisse en 1789, né sur à Théhillac, reste au pays. D’une santé fragile, il est cependant, nous dit-on, d’un grand dévouement. Il parcourt la campagne, se faisant passer parfois pour un marchand, portant des paniers d’anguilles, instruisant petits et grands et se cachant, sous la terreur, pour dire la messe et donner la communion.
Un autre prêtre, François Lebeau, parcourt également la campagne, allant de village en village pour apporter les sacrements aux malades. Né à Guenrouet, il est ordonné à un âge déjà avancé. Bien que limité sur le plan de ses capacités, très probablement alcoolique, il fait preuve, dit-on, d’un zèle infatigable. Dînant un jour chez monsieur Dulanloy, grand-père de l’abbé du même nom, il échappe de peu à l’arrestation par des soldats venus de Redon en se cachant sous des fagots rangés dans un grenier. François Lebeau devient, après la Révolution, chapelain du Pordor et meurt le 21 avril 1818 à 79 ans.
François Mary, diacre au moment de la Révolution, né à la Clardais sur Saint-Nicolas de Redon, participe aussi à maintenir la religion dans les campagnes. Il la parcourt, s’arrêtant ici et là pour faire le cathéchisme et préparer les enfants aux sacrements.
Un autre prêtre enfin, Hilarion Lollivier, vicaire de Renac depuis 1780, traverse régulièrement la Vilaine pour venir se cacher de ce côté-ci quand la pression des soldats envoyés par Redon se fait trop sentir sur son secteur. Un jour qu’il dit la messe en secret à Painfault, dans la famille Cocadain, on vient l’avertir que des soldats arrivent. Il prend le temps d’achever sa messe et fait disparaître ensuite les ornements. Il assiste lui même à la perquisition revêtu d’une grande blouse blanche et s’étonne auprès des soldats qu’on vienne jusqu’ici rechercher un « calotin ».
La chute du roi et la fin d’un monde
La belle concorde qui semble prévaloir le 14 juillet 1790 à l’occasion de la fête de la Fédération qui réunit plus de 300 000 personnes sur le Champ de Mars à Paris semble bien loin un an plus tard. La fuite de Louis XVI et de sa famille au mois de juin 1791, laisse planer le plus grand doute sur la sincérité du roi à oeuvrer aux intérêts de la nation. L’assemblée Constituante décide cependant de le maintenir sur son trône, sous surveillance. En septembre Louis XVI entérine la nouvelle constitution monarchique et l’assemblée, devenue « législative », tient le premier octobre sa séance inaugurale.
A la même époque, Monsieur de Mauger vit ses derniers jours. Son fils et ses gendres sont déjà partis à l’étranger et lui même vit, avec sa femme et ses filles, à Nantes où il leur semble être d’avantage en sécurité. Le 27 octobre 1791 il meurt au Pordor , à l’âge de 76 ans, lors d’une visite à son domaine. Le Pordor, plus ou moins abandonné, devient alors une cache pour les réfractaires.
De son côté Armand-Louis-Bon Maudet de Penhouet, officier de marine, ne réside déjà que rarement dans son château avant qu’il ne soit détruit par le feu en 1790 ou 1791. En 1792, tout juste marié à Mademoiselle de Couessin de la Berraye, il décide d’émigrer en Angleterre avec elle pour rejoindre les forces opposées à la France révolutionnaire.
A Paris la situation s’aggrave. En avril 1792, Louis XVI est contraint par l’assemblée de déclarer la guerre à l’empereur d’Autriche qui n’est autre que son beau-père. L’Europe se coalise et inflige à la France ses premières défaites. On suspecte Louis XVI de vouloir la défaite du pays. On déclare la patrie en dangers. Les aristocrates restés en France sont eux mêmes suspectés de fomenter contre les intérêts du pays. On commence à les arrêter et à saisir leurs biens. Le manifeste publié par le duc de Brunswick en juillet 1792, menaçant pour ceux qui toucheraient au roi met le feu aux poudres. Louis XVI et sa famille sont arrêtés le 10 août 1792, mis en prison au Temple et la monarchie renversée. Le 21 septembre, la Convention nationale, récemment mise en place, proclame la république tandis que Louis XVI, devenu « Louis Capet, ci devant roi des français » est jugé et condamné à mort par cette même assemblée. Il est guillotiné le 21 janvier 1793 au matin.
Madame de Mauger, ancienne dame du Pordor, devenue citoyenne veuve Mauger, devient vite suspecte aux yeux de la loi : outre le fait que son fils et ses gendres soient partis rejoindre à l’étranger les forces de coalition, elle appartient à l’ancien ordre honni de la noblesse. Il faut cependant attendre 1794 et le temps de la terreur pour que le directoire du district de Blain décide le 18 mars de saisir les biens qu’elle possède sur la commune. Quand Louis-Joseph Mahé, commissaire nommé par délibération de la municipalité d’Avessac, effectue les 3 et 4 avril l’inventaire des biens attachés au Pordor, ce dernier n’a plus la splendeur du temps passé. Madame de Mauger, obligée d’être présente, assiste à la confiscation de ses biens avant de s’en retourner à Nantes où elle continue de vivre avec ce qui lui reste, s’enfonçant peu à peu dans la précarité.
L’insurrection de mars 1793
Le dimanche 10 mars 1793, éclatent dans différentes régions de France des émeutes rurales provoquées par la levée des 300 000 hommes décidée par la Convention pour aller combattre aux frontières. Cette levée, dont la mise en oeuvre s’avère plus lourde pour le monde des campagnes que pour celui des villes et qui exonère les représentants du pouvoir, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La Révolution n’a pas pleinement répondu aux attentes des populations rurales qui en espéraient bien davantage, et les atteintes portées à la religion et aux curés ne sont pas de nature à calmer les esprits. L’exécution du roi enfin, aggrave le fossé entre les partisans du nouveau régime et ceux qui s’y opposent. Le monde des campagnes explose et refuse de se sacrifier pour un régime qui les méprise.
Décrire la suite des événements qui se déroule sur le secteur d’Avessac n’est pas simple tant les évènements constituent un mouvement d’ensemble qui tout en embrassant l’ensemble d’un vaste territoire est court dans sa phase la plus spectaculaire. À noter que les insurgés se déplacent et agissent le plus souvent hors de leur paroisse. Sur le district de Blain dont dépend Avessac, la première manifestation a lieu à Fay de Bretagne, le 10 mars, à l’arrivée du commissaire chargé de la levée des troupes. Les évènements ensuite se propagent du sud vers le nord du district.
Le 15 mars, les insurgés se dirigent vers Guémené, chef-lieu de Canton et deuxième commune du district. Le bourg est largement favorable à la Révolution. On se prépare au combat. La retraite vers Redon est impossible car des insurgés contrôlent le Pont Rolland, entre Avessac et Massérac, passage obligé sur le Don à cette période de l’année où les marais sont en eaux. 3000 hommes, selon un témoin, portant pour beaucoup la cocarde blanche, se ruent sur Guémené au cri de « vive le Roy ». Il en vient de partout, des communes du district et d’ailleurs. Avessac, Plessé, Saint-Nicolas de Redon sont représentées. On hisse le drapeau blanc, on pille la maison du curé assermenté et celle du boulanger. La bataille dure trois jours sans qu’on sache très bien qui est vainqueur.
Le 17 mars, un rassemblement armé d’ insurgés est dispersé au château de Painhouet par le 39ème Régiment d’ Infanterie et la Garde Nationale de Redon qui semblent se rendre au secours de Guémené. La commune d’Avessac reste cependant à l’écart de la furie, isolée de Guémené par la présence des marais. Le 17 mars c’est d’ailleurs du côté de Conquereuil qu’ils apprennent que les insurgés se déplacent.
Le secteur retombe ensuite dans un calme apparent quand, dans d’autres endroits, on continue de se battre . Au sud de la Loire se lève la Grande Armée royale catholique de Vendée et ailleurs, dans l’ ouest , des bandes s’organisent et forment la chouannerie.
Le temps de la terreur
Après les événements de mars, le pouvoir républicain prend toutes les mesures nécessaires pour empêcher de nouveaux soulèvements. On organise à partir de Redon des patrouilles armées dans les paroisses environnantes à la recherche des prêtres réfractaires, « brigands » et autres personnes suspectées d’agir contre la république.
En octobre 1793, Carrier, conventionnel envoyé en mission sur Rennes puis Nantes pour organiser la répression, décide de créer à Redon un comité de surveillance présidé par Le Batteux. Celui-ci reçoit tous les pouvoirs nécessaires pour mater la rébellion. C’est le temps de la terreur qui s’installe sur le secteur.
Sur Avessac, on cherche surtout à rester discret. La situation du bourg, à l’écart des grands axes est un élément favorable à ce sujet. Les habitants restent attachés à leur religion qu’ils continuent à pratiquer discrètement en évitant de se faire trop ouvertement remarquer. Louis Lethu, ci-devant sacristain, joue un rôle important dans ce domaine. Dépositaire des clefs de l’église, il la garde, continue de l’entretenir, l’ouvre pour des prêtres qui souhaitent y dire la messe et y organise des prières et les sépultures.
L’attitude de Joseph Mahé, maire d’Avessac depuis le 22 septembre 1792, et des officiers municipaux de la commune est également significative de l’état d’esprit dans lequel ils oeuvrent quand le 17 mars 1793, ils se portent garants du domestique de Painhouet arrêté par les républicains. Ils déclarent en effet qu’il a été « forcé ». Ils cherchent de toute évidence à protéger avant tout un concitoyen en lui évitant des ennuis.
Avessac n’est pas terre de chouannerie comme peuvent l’être d’autres communes. Cependant on sympathise et on n’hésite pas non plus à protéger quand c’est nécessaire. Le Pordor, la Châtaigneraie et leurs bois deviennent des lieux où se cachent les prêtres réfractaires et les insurgés de passage. En 1794, madame de la Rochejacquelain, veuve du Marquis de Lescure, se cache elle même quelques jours sur Avessac pour échapper aux recherches organisées par les républicains après la débâcle de Savenay.
La commune d’Avessac est le théâtre à plusieurs reprises de patrouilles républicaines. On a déjà parlé des recherches organisées pour retrouver François Lebeau et Hilarion Lollivier, tout deux prêtres réfractaires. Il arriva une autre fois que des soldats venant de Redon arrivent à proximité du bourg près de la Bergerie. Ils sont alors à la poursuite d’un autre prêtre, Jean Maugendre, de Saint-Nicolas de Redon, qu’ils ont débusqué au Pordor. Apercevant une fillette de dix ans qui gardait ses vaches, ils lui demandent si elle a vu passer un « calotin ». Cette dernière leur répond, sûre d’elle, que oui en leur indiquant le chemin opposé à celui pris par le prêtre. Cette fillette devait avoir plus tard comme petit fils l’abbé Guillaume Epié.
Les soldats viennent aussi pour perquisitionner. Ainsi une fois, Le Batteux les envoya-t-il pour enlever les cloches de l’église pour les fondre et en faire de la monnaie. Louis Lethu essaya bien de s’y opposer mais ne le put comme il ne put aussi les empêcher de s’installer dans l’église pour y caserner. Il obtint seulement de pouvoir mettre les chevaux ailleurs dans une écurie du bourg.
Une autre fois, le onze prairial, an II (31 mai 1794), sept soldats arrivent dans le bourg et pénètrent dans l’église qu’ils commencent à fouiller. Louis Lethu, informé, prévient le maire, Joseph Mahé et l’agent national, Joseph Chauvin qui arrivent. Ceux-ci interpellent alors les soldats et leur contestent le droit d’agir de la sorte. Ces derniers leur déclarent être de la garnison de Redon et être envoyés par leur commandant. Ils menacent puis se retirent finalement sans avoir omis de dire qu’ils auraient pu mettre le feu au bâtiment s’ils l’avaient voulu. Un procès-verbal est ensuite établi et signé par les personnes présentes pour y relater les faits et noter les dégâts. Les responsables de la commune devinrent ensuite plus méfiants et cachèrent les objets sacrés dans le grenier de Joseph Chauvin qui les rendit à la paroisse quand la paix fut revenue.
Retour au calme et à la paix
L’exécution de Robespierre le 10 thermidor an II ( 28 juillet 1794) marque le retour au calme dans les campagnes. L’ étau se desserre. La Convention devient plus modérée, elle offre l’amnistie aux prêtres réfractaires et signe le 21 avril 1795 la paix de la Mabilais avec les chefs insurrectionnels de l’Ouest. Celle-ci ne tiendra que peu de temps mais la population d’Avessac restera éloignée de la reprise des conflits et n’aura pas à en subir les conséquences.
Après avoir tout perdu, Madame de Mauger parvient à récupérer, en 1797 une partie de ses biens évitant de justesse leur vente comme biens nationaux. Elle retrouve le Pordor et des aides compensatoires lui sont accordées à elle et à différents membres de sa famille. Mais les temps ont changé. Les Mauger ne sont plus les seigneurs tout puissants d’Avessac, mais de simples châtelains qu comptent cependant parmi les notables de la commune et qui continuent de conserver leur banc dans l’église .
En 1797 Augustin Briand, ci-devant secrétaire-greffier, remplace Joseph Mahé comme maire. Il est lui même remplacé l’année d’après par Pierre Epié qui le reste vraisemblablement jusqu’en 1808.
À la fin du XVIIIème siècle, début XIXème, une nouvelle ère commence où le mérite personnel compte d’avantage que la naissance. Les bénéfices de la Révolution restent cependant confisqués par les plus riches qui ont les moyens d’investir, tandis que les paysans, plus modestes, continuent de travailler la terre pour de nouveaux « maîtres ».
Sources
• « Au fil du temps et de l’eau- St-Nicolas de Redon », Tome 1, de Nicole Gourdin et Thérèse Boucard, édité par la commune de St-Nicolas de Redon, 2000.
• Extrait de « Essais de biographie maritime ou notices sur des hommes distingués de la marine française », Notice sur M. de Penhouet, de P. Levot, conservateur de la bibliothèque du port, à Brest, éd. Le Blois, 1847.
• « Dictionnaire Historique et Géographique de la Province de Bretagne » , de Oger, Ingénieur-géographe, réédition de 1843, éd. Joseph Floche, 1973.
• « Avessac: Cahier de Doléances pour les états généraux de 1789 », Nantes-Histoire / Comité Liberté Egalité Fraternité 89.