Le moulin, qu’il soit à vent ou à eau, marque nos esprits. Sa présence dans le paysage constitue un repère. A vent, il se voit de loin, au plus haut de la colline, et à eau, il barre le fond de la vallée. Il témoigne d’une activité économique, importante, essentielle autrefois, et presque disparue aujourd’hui.
Sous l’ancien régime, le moulin est « banal ». Il dépend de la seigneurie locale. Le paysan a l’obligation d’y apporter son blé à moudre. Le seigneur, au passage, prélève une taxe en grain, l’ « émolument », et le meunier se paye en nature en se gardant une part de farine, la « mouture ».
La Révolution marque la fin des privilèges féodaux et les moulins se multiplient dans nos campagnes. C’est un signe de réussite, d’indépendance. Le meunier très souvent mène une double activité. Il est aussi, bien souvent, paysan. Il exploite quelques terres et élève des bêtes. On lui livre son blé et on récupère sa part de farine pour faire son pain.
Vers 1860, avec le second empire et la machine à vapeur, apparaissent les grandes minoteries. Les habitudes changent peu à peu dans les campagnes: on se met à acheter son pain. Le boulanger se fait livrer par les minoteries qui achètent directement leur blé aux paysans. Court circuités, les moulins cessent de travailler les uns après les autres, entre la fin du XIXème siècle et la première moitié du XXème. Reste aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre eux, la structure bâtie , en plus ou moins bon état.
L’étude des cartes anciennes, de Cassini et les plans cadastraux, nous permettent de dresser un inventaire des moulins.
Un document essentiel: la carte de Cassini
La « carte de France », dite « carte de Cassini » doit son nom à une lignée d’astronomes et géographes d’origine italienne qui s’installent en France à la fin du XVIIème siècle. La « carte de Cassini », lancée sous les auspices de l’Académie des Sciences en 1747, représente un travail d’une précision jamais égalée à l’époque, mené par César-François dit Cassini III, et achevé en 1815 par son fils Jean-Dominique, dit Cassini IV.
Les secteurs d’Avessac et de la région environnante furent levés dans les années 1784, 1787. La carte fait donc état des moulins existant sur la commune avant la Révolution. Chaque moulin existant est représenté par un symbole qui indique son aspect: moulin à eau, moulin à vent, en bois, inexistant ici, ou en pierre, moulin en état de fonctionnement ou moulin en ruine.
Cassini: symboles existant sur le secteur d’Avessac
Carte de Cassini secteur d’Avessac: en bleu, les moulins existants à l’époque
Le cadastre de 1844, et les plans cadastraux du canton de Saint-Nicolas de Redon publiés en 1856, 1888 et 1914 sont également riches d’informations. Ils signalent les moulins existants à la date de leur publication.
Les moulins à eau
Le Moulin Neuf: on le signale déjà sur la carte de Cassini avec sa retenue et sa digue. Il est alimenté par le ruisseau de la Joue qui se jette plus loin dans le Don. L’aspect qu’il présente aujourd’hui laisse imaginer des transformations et rajouts successifs. Joseph Provost, issu d’une famille de meunier, originaire de Langon, fut le dernier à exploiter le moulin. Il employait un commis pour les livraisons. Le moulin cessa définitivement de fonctionner dans les années 1980, lorsque Joseph Provost disparu. Il ne produisait plus, à la fin, que du «gaboret» pour les cochons des fermes avoisinantes.
Le moulin neuf vers 1900: on aperçoit derrière, sur la grée, le moulin de Plaisance à Camargois
Le moulin de Tesdan: rien n’indique sa présence sur la carte de Cassini. La digue et le moulin ont dû être élevés au début du XIXème siècle. On le signale sur le cadastre de 1844. Les Lemoine, famille de meuniers, en ont assuré le fonctionnement pendant quatre générations, jusqu’en 1939, année où il cesse d’être utilisé. Après guerre, Jean Lemoine, héritier du site, démolit la digue en partie pour transformer l’étang en pâtures. Vers 1955, un marchand nantais lui propose de louer l’ancien étang pour en faire un vivier à poissons. On engage alors, en 1957, la restauration de la digue. Mais la mauvaise saison s’installe et le niveau des eaux monte alors même que la digue n’est pas encore totalement achevée. C’est alors qu’un jour de novembre ou de décembre l’ouvrage cède et qu’une vague énorme dévaste tout sur son passage jusqu’à la route de Nantes, au Pont Fourché.
Le moulin fut ensuite vendu à plusieurs reprises. Un des derniers propriétaires remit une roue au moulin.
Le moulin de Tesdan: un simple bâtiment d’exploitation
Le moulin à eau près du château du Pordor: il se situe aux limites d’Avessac et de Saint Nicolas. La carte de Cassini l’indique déjà avec la digue et l’étang.
Les moulins à vents
Les moulins du Pordor, de la Châtaigneraie et de Treignac: les trois ont disparu. Seuls subsistent les toponymes. La carte de Cassini cependant les indique très clairement par un symbole et leur nom. Le moulin de Treignac à l’époque est déjà en ruine, celui du Pordor, que le cadastre de 1844 indique encore, et celui de la Châtaigneraie sont en état. Tout trois, en revanche, ne sont plus cités en 1856. Il s’agit très clairement de moulins « banaux », dépendant chacun de la seigneurie du même nom.
Les moulins de Penhouet et Couessin : ils sont eux aussi indiqués, en état de fonctionnement, sur la carte de Cassini. Celui de Penhouet, entre la Cassière et le Haut Gland, au sommet de la colline a dû disparaître entre 1888 et 1914. Celui de Couessin, plus tardivement vers 1937. Ses pierres ont servi à la construction de l’actuelle maison, située en contre bas de la colline, au dessus de la route. L’un et l’autre, comme les précédents devaient être à l’origine, des moulins « banaux » dépendant pour l’un de Penhouet et pour l’autre, de la Haie.
Les trois moulins de Camargois: un seul existe sur la carte de Cassini. Les deux autres n’apparaissent que dans la seconde partie du XIXème siècle.
Le premier se situe en bordure de route, au dit lieu de Camargois. C’est le moulin de Plaisance, qu’on aperçoit avec ses ailes sur la carte postale prise vers 1900 au Moulin Neuf. Il appartenait à la famille Amossé, meuniers de leur état. Il fut ensuite entièrement transformé en maison d’habitation.
Le second se situe plus haut sur la grée, en prenant le chemin qui part de la route. Il porte encore des restes d’ailes du type Berton mis au point vers 1855. Ce système remplace la voilure traditionnelle en toile, difficile à régler, par des planches de volée qu’on règle de l’intérieur du moulin en fonction de la force du vent. Il est aujourd’hui une maison d’habitation.
Le troisième moulin se situe tout à côté, un peu plus loin sur le chemin. Il est plus modeste. C’est, en revanche, sans doute le plus ancien, celui qui apparaît sur la carte de Cassini. C’est ce que laisse à penser l’étude des différentes cartes cadastrales. La date de 1860 serait cependant gravée à l’intérieur, pouvant correspondre à une rénovation.
Moulin de Plaisance dans son aspect actuel
Moulins de la Déroute, de la Grée des Rivières et du Tertre : tout trois sont postérieurs à l’établissement de la carte de Cassini. Les deux premiers existent en 1844 et se retrouvent sur le cadastre napoléonien. Le troisième, celui du Tertre, est plus récent, de la seconde moitié du XIXème sècle.
Le moulin de la Déroute, dit aussi « Moulin à Yopane » est de style « petit pied breton » . Sur un socle évasé, s’élève un cylindre de pierre qui sert de support à un étage en encorbellement. Le « petit pied breton » est typique du sud Morbihan, de la presqu’île de Guérande et du sillon de Bretagne. On le retrouve également dans les Côtes d’Armor et dans l’Ille et Vilaine. Sur le montant droit de la porte une date est gravée: 1812.
A l’intérieur existent encore des marches en pierres pleines. A côté du moulin, se trouve une annexe de 6 mètres sur 3 mètres 50, avec la trace d’un ancien four à pain. L’entrée du bâtiment est large de 2 à 3 mètres. Un fer à cheval est encore au mur . Une aquarelle de l’artiste Donatien Roy, faite en 1908, nous montre le moulin encore en état.
Le moulin de la Grée des Rivières: il était à l’origine isolé du village et s’appelait Moulin de la Haie. Il est aujourd’hui transformé en maison d’habitation.
Le moulin du tertre: il trône au milieu d’un lotissement, à proximité du centre bourg. Il a été en partie restauré en 2007. Ne lui manque qu’une toiture qui lui rendrait une partie de sa splendeur passée. Les Mallards l’on exploité jusque dans les années 1935. Il avait lui aussi une annexe qui a disparu et possédait un système d’ailes Berton.
Le « faux » moulin de Murin: il existe à Murin, entre la voie ferrée et le cours du Don, au niveau même du marais, une tour qu’on appelle couramment « moulin de Murin ». Ce bâtiment a été construit à la fin du XIXème siècle, voir même, début XXème pour abriter une pompe de relevage afin d’assurer la régulation des eaux dans le marais. Les étages étaient aménagés en appartement. Il va de soi que ce bâtiment na jamais possédé d’ailes.
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