La vie dans le marais début 20 ème siècle

La pêche

Les témoignages recueillis auprès des riverains du marais confirment l’importance de la pêche à l’anguille durant le siècle dernier. Un dossier retraçant l’histoire de la pêche à l’anguille depuis le 16 ème siècle est consultable sur notre site.

Laissons parler les souvenirs….

« On pêchait, en premier dans la saison, les garciaux après, on pêchait les « ventres bleus ».

« Il y avait parfois tellement d’anguilles qu’elles formaient des « nids » . A Painfaut, lorsqu’on sautait sur les « levis » (grosses mottes herbeuses), les anguilles sortaient de partout. »

Un riverain du marais nous raconte qu’il pêchait environ 15 tonnes d’anguilles par an. « Une bonne pêche, c’était 400 à 500 Kg par pêche! »

« Les marchands venaient chercher les anguilles sur place, après, comme il y en avait trop, nous vendions la pêche lors de tournées de villages: Plessé, Bains, Ste Marie, St Just.
Les pêcheurs professionnels vendaient leur pêche à la maison Josnin, à Grandlieu, aux halles de Nantes ainsi qu’à quelques restaurateurs locaux comme le Poteau Vert, à St Nicolas ».

« Les anguilles étaient vendues mais aussi données en échange de services rendus. »

Techniques de pêche

« On pêchait beaucoup avec la bosselle. J’en avais un « cent » que je fabriquais moi-même.
Un des pêcheurs professionnels possédait en 1967, 200 nasses à anguilles ».

« Les anguilles étaient pêchées dans les douves avec des bosselles, d‘un diamètre de 4cm. L’appât était constitué de vers de terre que l’on enfilait sur une branche d’aubépine, préalablement mise à tremper longtemps dans l’eau, ainsi, une fois placée dans la nasse, elle ne remontait plus à la surface. Les nasses étaient remontées une fois par jour.

bosselle

Une fois par an, on passait les bosselles en fer au goudron, de même que le bateau . Ca les empêchait de rouiller, après, pour fabriquer les bosselles, on a acheté du fer galvanisé qui ne rouillait pas.
Les bateaux étaient en bois de sapin ou de châtaignier.
Tout le monde pêchait partout puisque les douves étaient communales. Il n’y avait pas de problème.

La fouine était largement utilisée, tout le monde l’utilisait dans le marais de Gannedel.

La pêche au fagot était également pratiquée pour la capture des anguilles. »

« Les anguilles étaient également pêchées à la vermée ou la talmoche , technique encore appelée « bignée ». On allait à « la bignée » au printemps, vers avril. cette technique marchait bien le soir, jusque vers 22 ou 23h, après c’était fini.
Il fallait enfiler des vers à tête noire sur quelques fils de coton torsadés, d’environ 1,50m de long. Ces vers à tête noire s’attrapaient bien à la tombée de la nuit. Le silence était de mise!
L’enfilage se faisait à l’aide d’un petit bout de fil de fer. Lorsque le fil de coton était plein, on l’enroulait autour de la main pour en faire une pelote, on rajoutait un boulon qui faisait contrepoids. Le tout était fixé sur une canne de bambou. Il fallait « dandiner » (balancer) cette boule au fond de l’eau. Les anguilles , dotées d’un très bon odorat, mordaient dans la boule et restaient accrochées par les nombreuses petites dents qui tapissent leur palais. Parfois, elles s’accrochaient même par 2.
Il ne restait plus qu’à lever doucement la canne et les poser dans le bateau. Cette technique de pêche était bonne le soir, par temps orageux, en eau peu profonde. Les prises étaient parfois conséquentes: jusqu’à 750 en une soirée. »

« Les civelles se déplaçaient en bancs dans la Vilaine s’il n’y avait pas de crue. Les meilleures pêches de civelles étaient faites en Vilaine, sur les bordures, de nuit, à la lampe.
Si le marais était « couvert », elles se trouvaient dans les douves. On les pêchait à l’aide d’un tamis spécial, par nuit très noire. Au moment des crues, le moindre filet d’eau contenait des civelles.
On les pêchait de début octobre jusque mi février.

Les anguilles en cuisine

« Les anguilles étaient appelées « ventres blancs », les garciaux « ventres jaunes ».
Les ventres jaunes (garciaux) étaient moins bons, plus secs que l’anguille. L’anguille à ventre blanc, était plus savoureuse, beaucoup plus grasse car elle avait fait ses réserves pour repartir. Elle était plus chère que les « ventres jaunes » ou « garciaux ». »

« Les « ventres bleus » étaient parfois mis à dégorger dans du sel, , on les remuait régulièrement puis on les mangeait avec la peau.
On pouvait aussi les manger en vinaigrette, à la poêle, les « garciaux«  étaient plutôt frits et les anguilles d‘avalaison, grillées.
Les « garciaux » étaient souvent mangés avec la peau. »

« Avec le porc et le sarrasin, c’était un aliment de base. Autrefois, le principe de ne pas manger de viande les jours maigres était très respecté. On consommait donc de l’anguille. »

Les anguilles pouvaient être consommées immédiatement ou conservées.

« On les mangeait souvent fraîches, en matelote (pour les plus grosses) ou poêlées, avec ou sans la peau. La préparation consistait à nettoyer la peau avec de la cendre ou de la paille. Pour éviter qu ‘elles ne se relèvent dans la poêle, on posait sur la poêle un couvercle en lamelles de bois.

Pour les anguilles d’avalaison, les plus grosses,  on les salait dans des pots de grès , enroulées tête à la queue. Le « garciau » n’était pas « mis au sel ». Il fallait les mettre à dessaler avant de les manger. Elles n’étaient pas vidées. On les vidait le jour où on les mangeait. La peau gluante était, avant salage, nettoyée avec de la cendre ou de la paille. On les mangeait, grillées, avec la peau.

Parfois, on  fumait les plus grosses, pour la saveur et la conservation. On ôtait la peau, les vidait, ajoutait sel, poivre, la peau était ensuite réenfilée sur l’anguille, maintenue par des petits liens de ficelle. Elles étaient pendues, tête en bas, dans la cheminée. Après quelques jours de fumage, elles étaient cuisinées en matelote.

On pouvait aussi les conserver, pendant une quinzaine de jours environ, dans des « boîtreaux« , vieilles barriques ou caisses de bois, percées de trous. On immergeait ces contenants et on conservait ainsi les anguilles. Certains les conservaient ainsi plusieurs mois, mais, en fin de saison, elles étaient un peu maigres! Pour les tuer, on mettait dessus une poignée de gros sel, on remuait, le lendemain, elles étaient mortes. »

 

 

« Les civelles étaient ébouillantées puis rincées afin d’enlever le mucus visqueux qui les recouvre. Elles étaient moulées dans un bol puis cuites avec un peu de beurre, du sel, du poivre dans du lait pour éviter qu‘elles n’attachent. On ajoutait à la fin de la cuisson, un filet de vinaigre. »

Autres poissons

« On pêchait aussi les gardons, les tanches, les brochets, les brèmes et les carpes. La lamproie marine était absente. Il n’y en avait qu’à St Martin/Oust. »

« Les brochets étaient très nombreux, longtemps noyé, le marais leur procurait les frayères nécessaires à la période de reproduction. En 1968, j’ai prélevé dans la douve de « la niche aux puces », du marais des Haies, 128 000 alevins de brochet que j’ai livrés à la Féfération départementale de pêche d’Ile et Vilaine. »

« Les aloses remontaient la Vilaine à la fin de l’hiver, au début du printemps (avant la construction du barrage d‘Arzal). Elles étaient en nombre important. Ce poisson étant incapable de sauter des obstacles, à Redon, le barrage et l’écluse faisaient obstacle à sa migration plus en amont. De toute manière, c’était un poison peu pêché. »

« On braconnait les carpes et les tanches les soirs de pleine lune à la période du frai. La brème, bien que pleine d’arêtes, présentait une chair plus fine que la carpe. Certaines années où la marée remontait haut, on pouvait pêcher du mulet.
Les carpes étaient pêchées en abondance lorsque le marais se vidait au printemps, en mars- avril. C’était la période du frai. On pêchait avec une cage ronde que l’on posait sur les carpes regroupées en masse. Il ne restait plus qu’à les attraper à la main. Elles étaient parfois si abondantes qu’on les ramassait à la fourche!
Un pêcheur très avisé parvenait même, par temps d’orage, à attraper les tanches à la main, dans la vase, selon une technique bien particulière!

Le brochet était pris avec la tézelle. »

Aujourd’hui, les espèces nouvelles du marais sont les silures, les écrevisses américaines. Le black bass est arrivé d’Amérique du Nord dans les années 1920. Le sandre est arrivé de l’Europe de l’Est dans les années 1950. Le mulet est également une espèce nouvelle. La perche soleil et le poisson chat sont classés comme pouvant entrainer des déséquilibres biologiques.

Les barques

« Tous les riverains du marais possédaient une barque appelée « plate ».

Les embarcations étaient différentes selon leur usage, ainsi il existe une barque typique de Murin équipée de patins…à glace!! « Elle permettait de se déplacer sur le lac les jours où le marais était gelé! ».

« Les plates étaient fabriquées par des artisans menuisiers, notamment par la famille Gauvin, de Ste Anne/Vilaine. En cas d’avarie, elles étaient réparées sur place, le menuisier se déplaçait avec sa varlope sur l ’épaule, dans un fourreau de bois.
Elles étaient fabriquées dans du sapin du Nord, parfois en châtaignier.
Les bateaux étaient en bois de sapin ou de châtaignier.
Au printemps, elles étaient goudronnées. On allait au marais, on mettait le goudron à chauffer sur un trépied pour le rendre plus liquide et mieux l’étaler. Les bosselles subissaient, après réparation, le même traitement. Les professionnels étaient équipés de grands bacs en forme de bosselle et immergeaient les engins. Le matériel séchait ensuite tout l’été. »

Le matériel de pêche

  • La foëne ou fouine: cet engin est interdit depuis longtemps, c’est une fourche (fabriquée par le forgeron) au long manche de 4 m environ, aux dents aplaties qui s’utilisait souvent à l’aveugle, dans la vase, et détruisait ainsi de nombreuses autres espèces que l’anguille. Certaines municipalités, soutenues parfois par leurs conseils généraux, comme le Morbihan en 1920 ont beaucoup insisté auprès des autorités de tutelle pour demander la levée de l’interdiction de nombreux engins de pêche. Dans le cas de la fouine, le prétexte était de permettre ainsi le curage des marais.
    La fouine servait pour les poissons de vase, surtout les tanches et les anguilles. Elle était utilisée depuis le bord ou en bateau.
  • Le carrelet: c’est un filet carré, tendu par 4 perches, immergé horizontalement; le pêcheur relevait de temps à autre le carrelet. Il existe trois types de carrelet: le carrelet « porté », le plus courant, le carrelet fixé sur un bateau et le carrelet fixé sur le bord, relevé par un treuil à manivelle.

• La talmoche: « cette technique se pratiquait en bateau, il fallait se dépêcher de remonter les anguilles dans la barque avant qu’elles ne se décrochent ».

• La bosselle: c’est un petit filet à anguille en châtaignier. Les appâts étaient des vers de terre enfilés sur un brin de genêt. Les extrémités de la bosselle étaient fermées par un bouchon d’herbe. Installée dans les prés inondés ou les douves, maintenue sur un bois fourchu enfoncé dans la vase et dépassant de l’eau.

• Le fagot: « on le fabriquait avec des branches de bois liées aux 2 bouts; un piquet était enfoncé au milieu du fagot pour le maintenir au fond de l’eau. Le fagot était délicatement remonté à la surface, on le secouait au dessus du bateau. »

• La tézelle ou téisselle: c’est un engin de pêche utilisé par les pêcheurs professionnels fluviaux en zone mixte pour la pêche à l’anguille d’avalaison au moment des crues d’automne ou d’hiver. Elle permettait également de capturer les poissons blancs (carpes, brêmes…). Cet engin est en forme de grand entonnoir en filet (en nylon actuellement), placé à contre courant, la bouche vers l’amont maintenue ouverte par des perches (quenouilles), la poche dans le sens du courant.
L’ensemble pouvant comporter plusieurs engins accolés ne peut barrer plus des 2/3 de la section mouillée. Les engins sont relevés en moyenne 2 fois pendant une nuit de pêche. Une campagne dure le temps de la crue, au maximum 3 à 4 nuits successives.

• Le verveux

• Le tramail: c’ est un filet plat et rectangulaire. Il est constitué de filets superposés, à petites et à grosses mailles, montés sur le même cordage. Ce cordage porte des flotteurs en partie haute et des plombs en partie basse. L’engin se maintient donc en position verticale dans l’eau.

Le filet à petites mailles empêche le poisson d’avancer. Le filet à grandes mailles l’empêche de rebrousser chemin. En cherchant à fuir, il s’emmêle ; seul le pêcheur le délivrera…

Le tramail permet de capturer des mulets, des carpes, des brochets, des sandres… Le filet doit être tendu au maximum sur les deux tiers d’un cours d’eau. Cela laisse une chance au poisson de ne pas se faire prendre.

• La pêche à l’araignée: l’araignée est également un filet plat mais composé d’un seul filet. Le poisson est capturé dans son déplacement. Il pénètre dans les mailles du filet et se trouve retenu par les ouïes.
Le mode de capture de l’araignée est un peu moins sûr que celui du tramail. Il laisse au poisson plus de chance de pouvoir s’extirper des mailles.

Pour augmenter ses chances, le pêcheur pouvait fouler l’eau avec une perche en bois. Il dénichait le poisson sous les racines et tapait dans l’eau pour le canaliser vers son filet.

pêche à l’anguille en 1952

Les grenouilles

Les grenouilles étaient très abondantes dans le marais jusque dans les années 1960. La construction du barrage d’Arzal a contribué à la dégradation, voire à la disparition des frayères, c’est-à-dire toutes les prairies inondables. Jusqu’en 1980, l’espèce la plus présente était la grenouille de Lessona. Aujourd’hui, c’est la grenouille verte, moins exigeante sur la qualité des habitats aquatiques. L’Ecole Nationale Supérieure Agronomique (ENSA) avait développé, en 1979, un projet de raniculture (élevage de grenouilles) détaillé dans un document « perspectives d ‘aquaculture dans le marais de Redon ».

Ecoutons les témoignages……

« C’était un loisir, le temps que l’on gardait les vaches. On les pêchait, de juin à septembre, avec un fil rouge, technique dite de la « quenouille rouge » ou bien, on faisait un bouchon avec une peau de grenouille, parfois, on les amenait à un pêcheur professionnel qui les gardait dans son parc à grenouilles. Lorsque l’eau avait commencé à se réchauffer, au mois de juin, elles se rassemblaient dans les fonds humides et herbeux pour frayer puis pondre. A la période du frai, lorsque tous les mâles étaient groupés, les pêcheurs « avisés » mettaient une femelle en guise d’appât au dessus des mâles qui sautaient dessus, ils en en attrapaient ainsi 3 ou 4 en même temps!!
Aux premières pluies d’automne, les grenouilles remontaient les douves, on posait alors des bosselles dans les douves de Gannedel.
Les grenouilles étaient pêchées surtout par les professionnels. Elles étaient revendues à Nantes, au négociant Josnin et dans la région à quelques restaurants. »

« Les pêcheurs professionnels avaient des étangs dont ils étaient propriétaires ou locataires et qu’ils vidaient tous les 3, 4 ans. L’étang du Pordor était vidangé par Raymond Richard. Les pêcheurs pratiquaient ensuite l’alevinage. Les pêcheurs professionnels avaient des viviers pour conserver les poissons. Seuls les professionnels détenaient une licence de pêche. Ceux qui n’avaient pas de licence mais vendaient quand même le poisson, le faisaient « clandestinement ».

« On les pêchait surtout avec la peau de grenouille, à la ligne. Elles étaient d’abord placées dans un parc. Celui ci était entouré de murs, à l’intérieur, on posait des clayettes sur le sol qu’on recouvrait de fougères mouillées. Les grenouilles se mettaient dessous, au frais. En une semaine, on pouvait pêcher jusqu’à 80 kilos de grenouilles. Elles restaient dans le parc une semaine, puis le vendredi, on coupait la tête, on les « épiaulait » et on coupait les pattes arrières en laissant les reins. On croisait les pattes pour les enfiler par 12 sur des brochettes de bois taillées dans de l’osier. Comme elles étaient vendues au poids, on mettait le bois à tremper dans l’eau, ainsi, il gonflait et pesait plus lourd!!
Après la construction du barrage d’Arzal, lorsque l’eau était évacuée trop vite, suite au tirage, les œufs séchaient. »

Les sangsues

« Elles étaient très abondantes dans les petits ruisseaux. Chaque famille avait son bocal rempli de sangsues pour traiter l’hypertension. Avant de les mettre derrière l’oreille, il fallait les purger en les laissant 2 semaines dans l’eau du puits, plus propre que celle du marais. Ainsi, elles étaient plus propres et vides pour être plus efficaces. Une fois gorgées de sang, 1 ou 2 jours après, elles tombaient d’elles mêmes. Les vaches aussi en attrapaient lorsqu’elles mangeaient l’herbe dans l’eau, elles sortaient du marais avec des sangsues collées sur les tétines.. Pour les attirer plus facilement, il fallait agiter l’eau ou soulever des pierres. On les vendait à la pharmacie Sarzeau, à Redon , dans la Grand Rue. »

La châsse

Comme nous l’avons vu, la châsse, au gibier d’eau, était, avec la pêche, le second pôle d’intérêt du marais.
Le gibier le plus nombreux était le canard. Il y avait des milliers de canards sauvages dans les marais comme celui du bas de Painfaut.
« Jusque vers 1975, la chasse était ouverte à partir du 14 juillet, on pouvait chasser tous les jours, toute la journée. »

« Les canards étaient vendus aux épiciers (Mme Guillemin) à Avessac ou aux marchands de la ville (Hadenot à Redon) ainsi qu’à des armuriers qui en envoyaient une partie aux abattoirs ou les expédiaient dans des paniers vers Paris, Lyon ou Marseille. »

Les espèces de canards sauvages que l’on chassait dans le marais étaient:

• le colvert
• le pilet appelé « queue d’hirondelle »
• le siffleur
• le souchet
• le morillon ou le maretton (petit canard de marais blanc et noir, plus petit que le colvert) appelé encore « moreton »
• le milouin ou le jalu, ou « tête rouge »
• la judelle ou « bonne soeur » ou foulque

• Les canards de surface étaient représentés par:

• le colvert
• le siffleur
• le pilet
• le souchet
• la sarcelle d’été ( espèce nicheuse)
• la sarcelle d’hiver ( espèce nicheuse)

« Le milouin, le morillon étaient des canards plongeurs. Ils vivaient dans les lieux où le niveau de l’eau était assez haut. Ils plongeaient et mangeaient la « peutrelle », herbe aux petites poches remplies d’eau et qui éclataient lorsqu’on appuyait dessus en faisant un petit bruit ».

La judelle et le morillon sont des canards migrateurs.
« Par les jours de grand froid (comme l‘hiver 1962/1963), les canards quittaient, à la nuit tombée, le marais pour manger des glands, des châtaignes. Ils s’approchaient parfois très près du bourg. Les chasseurs allaient alors « à la passée du soir ».

« La meilleure espèce pour la cuisine est la sarcelle puis le colvert. Le souchet est le moins apprécié car il a un goût de poisson.
En cuisine, le gibier est rôti ou cuit en cocotte. Avec la judelle, on faisait un excellent pâté.

On chassait également d’autres espèces: le courlis (peu gouteux), le héron cendré, le butor étoilé (on le trouve même dans les petites roselières), le vanneau (peu apprécié), la bécassine, le pluvier, le foulque, la poule d‘eau.

Il y avait aussi beaucoup de lièvres vers la Toussaint, au moment des gelées et brouillards. Certains chasseurs les vendaient à un intermédiaire de Ste Marie qui les revendait lui-même à Rennes. Une bonne châsse pouvait être 6 lièvres en une matinée. »

Les techniques de châsse

« La chasse s’effectuait sur un laps de temps très limité: à la « passée » du matin, juste avant le lever du soleil ou à la « volée » du soir, avant la tombée de la nuit.
La chasse à la passée s’effectuait « en  cache », c’est-à-dire en poste fixe sur les buttes (dans un cabanon surélevé sans toit) ou sur une embarcation camouflée sur l‘eau, appelée la « carrée » ou à la « tonne » . Il s’agissait d’une plate forme carrée entourée de roseaux, dessus on posait une barrique, une « tonne » sur laquelle on montait.
On posait la « carrée » sur l’eau, elle flottait, on l’attachait à un arbre, ou, lorsqu’on s’était déplacé avec, on pouvait s’amarrer avec une « ancre de tonne ».
Les canards étaient tirés en vol, lorsqu’ils rejoignaient leur zone de repos ou de nourrissage. »

« On pratiquait aussi la chasse « à la botte » (à pied), appelée au cul-levé (en référence à l’attitude du gibier levé). On la pratiquait sur les prairies avec ou sans un chien. Ce sont les limicoles qui sont recherchés par cette technique, ils sont tirés en vol après avoir été débusqués par le chien ou le chasseur ».

« Nous utilisions des appelants ou « formes », fabriqués par le sabotier du village, Monsieur Ernest Lepage. Certains chasseurs les faisaient venir de la manufacture Manufrance de St Etienne . Les « formes » du sabotier étaient pleines, celles de Manufrance étaient creuses, plus recherchées. En effet, elles étaient plus légères et donc plus faciles à transporter pour aller à la chasse. Les appelants étaient déposés par bateau.
L’appelant était équipé d’une plaque de plomb, sous le ventre, afin de l’équilibrer sur l’eau. On mettait aussi des appelants vivants, bagués, un canard domestique. Lorsqu’il remuait, il agitait l’eau et attirait ainsi les autres. Tous les appelants étaient attachés avec une ficelle équipée d’un plomb, pendant sous l’eau, pour limiter les déplacements ou la dérive. »

« Les chasseurs utilisaient aussi des appeaux. Certains étaient de fabrication « maison »: deux culots de douille de cartouche dont on avait préalablement ôté les amorces, étaient emboités l’un dans l’autre et imitaient le cri du gibier ».

« Les marettons étaient par bandes de 700 à 800. En un jour, on pouvait chasser jusqu’à 60 marettons.
Les espèces nouvelles du marais en gibier sont le ragondin, qui a chassé le rat musqué, le vison d’Amérique. Il n’y a plus de rats musqués. Les sangliers n’étaient pas nombreux, faute de nourriture. »

Les activités agricoles

Les canards domestiques

« Chaque famille possédait des canards et les marquait à la patte avec une marque propre : incision des palmes, ablation des ongles ou du talon: plusieurs marques étaient ainsi possibles.
Ensuite, ils allaient au marais pendant 5 à 6 mois. Il étaient ramassés lorsqu’ils étaient bons à la consommation. Les canards d’élevage étaient mélangés avec les canards sauvages, mais ils étaient rentrés avant l’ouverture de la chasse!! « Quand on les ramassait avant la chasse, on avait parfois de l’eau jusqu’au ventre (en 1958, le marais est resté couvert toute l’année), on faisait attention aux vipères (aspics d’eau) que l’on voyait enroulées sur les nénuphars.

Les marchands passaient pour les acheter. »

Les foins

Chaque ferme avait sa parcelle de marais, pour la châsse certes, mais également pour le foin. Déjà au Moyen Age, les moines avaient du bétail qu’ils faisaient garder dans les marais (bovins). Les habitants des landes avaient très souvent une parcelle de marais, une lanière perpendiculaire à la Vilaine. Le plus souvent il s’agissait d’un bien de famille.
Ces derniers n’avaient pas de vaches mais faisaient une coupe de foin. Des conflits naissaient entre les propriétaires des landes et ceux des marais: les riverains du marais mettaient leurs vaches en pacage et les laissaient trop tard, parfois jusqu’en décembre. Les vaches piétinaient le sol humide, l’abimaient, ce qui compromettait la qualité de la récolte de foin et fâchait les habitants des landes.

Avant le remembrement, les parcelles étaient petites, longues et étroites. Il n’y avait du foin que dans les marais, les autres champs étaient en culture vivrière. La commune ne pratiquait pas le système de la vente aux enchères des foins, comme sur Renac.

Les parcelles étaient divisées en hommées (une hommée= 24 ares). On disait « j’ai 4 hommées ». Cette mesure agraire correspondait à la quantité de travail qu’un homme pouvait faner en une journée de travail.

Au dragage de la Vilaine, en 1980, les vases avaient été ramenées avec les saules sur le marais. Les saules avaient repoussé, les gens se plaignaient de voir leurs prés amputés d’une surface de foin.

On enlevait les vaches du marais entre le 25/03 ou 01/04, jusqu’au 24 juin. On laissait alors le foin pousser. Pour assurer une meilleure qualité nutritive et la reproduction, le foin était coupé en fleurs.

« On commençait à faner vers le 24 juin, jusqu’au 14 juillet. Les foins de « la Grande Prée », au Pordor étaient coupés tardivement par rapport aux autres, aux alentours du 14 juillet. »

« Le barrage a beaucoup influé sur la période des foins: avant, on fanait après la moisson, maintenant, on fane avant. »

« Les prairies étaient fauchées à la faux puis, après, avec la faucheuse attelée au cheval. A l’arrivée des premières faucheuses mécaniques, les anciens étaient si peu confiants qu’ils suivaient la faucheuse avec leur faux sur l’épaule et ramassaient ce qui n’avait pas été coupé par la faucheuse!! Lorsque les foins étaient fanés avec la 836 Garnier, les bottes venaient en chapelets continus, il fallait les séparer à la main. Le travail était presque aussi pénible qu’à la main. »

« On faisait des « cosses » (5 à 6 bonnes fourchées). Parfois, il fallait traverser des zones humides, on glissait alors 2 perches de châtaignier sous les cosses pour faciliter le transport et éviter que le foin ne se mouille. Pour passer les zones humides avec la charrette, il fallait faire des demi charretées. On utilisait des bœufs de race nantaise, leurs sabots étant plus adaptés que ceux des chevaux pour se sortir de la vase. Lorsque le pont de Painfaut a « sauté » pendant la guerre, seule la moitié du pont était restée « debout ». Il fallait alors faire passer les attelages en détachant un bœuf pour éviter une chute catastrophique.
Pour faucher dans le bon alignement, on faisait « les foulées »: on plantait un repère avec un bout de papier à chaque extrémité de la parcelle et le faucheur travaillait en fixant le repère pour aller droit. »

Autrefois, les parcelles étaient toujours perpendiculaires à la Vilaine, ce qui permettait à chaque paysan d’avoir du foin de diverses qualités. Au siècle dernier, ce n’était plus le cas. La qualité et le rendement de l’herbe variaient ainsi selon l’emplacement de la parcelle de marais. On trouvait:

• le marais haut: constitué des prés qui se situaient sur des buttes. Ce marais n’était pas recouvert d’eau très longtemps. Il donnait le meilleur foin, l’herbe était bonne, composée de fétuque, de lotier, de menthe sauvage…. C’était un foin qui sentait bon, les vaches l’appréciaient.

• le marais bas: près de l’ancien cours de la Vilaine et dans les endroits creux et humides des parcelles, appelées les « brêles »,  l’herbe n’était pas de bonne qualité. Le marais était beaucoup plus humide, noyé de novembre à mai, (depuis le curage de la Vilaine en 1980, 2 à 3 mois seulement). Il était composé de roseaux, de l’herbe à « sohel » (fleurs noires, feuilles ressemblant à celles du lotier). La « foutairne » ou « fausse herbe » présentait des tiges remplies de fils noirs, comme du tabac. Cette herbe faisait crever les vaches, il fallait l’arracher avant la mise en pâture.
La foutairne était une herbe de regain, c’est-à-dire destinée à la seconde coupe.

Les gens arrachaient aussi la « parelle » (rumex) avant qu’elle ne se ressème.
Parmi les herbes de mauvaise qualité, on trouvait aussi l’herbe aux poux des marais, le pédiculaire des marais. Cette plante, par la découpe de ses feuilles ressemble à une fougère, ses fleurs, petites, roses, de 2 cm environ, s’épanouissent de mai à septembre. On disait que les animaux qui en mangeaient devenaient sujets aux poux, d’où son nom. En réalité, les vaches, par instinct, n’y touchaient pas. Cette herbe dépréciait la qualité du foin.

« En hiver, il n’y avait aucune herbe, au printemps tout repoussait très vite. On pouvait faire une deuxième coupe mais c’était un mauvais foin, les plantes étaient trop molles.

Après la fauche, il fallait vite remettre les vaches, la pâture était rapide car l’herbe repoussait vite.

Lors des foins, on emmenait le cidre dans un panier, emballé d’herbe mouillée pour le garder au frais.
Certains se souviennent avoir chapardé des bouteilles de cidre mises au frais par d’autres faneurs dans des herbes coupées. »

La pâture

A Avessac, chaque troupeau était sur la pâture du propriétaire du bétail, la vaine pâture n‘était pas pratiquée comme sur d‘autres communes aux alentours. Il y avait quelques saules pour délimiter certaines parcelles sinon, il y avait des bornes en palis.

« Parfois, pour s’assurer que les bêtes ne sortent pas de la parcelle, on « chenait »: on faisait un mélange de crottes de chien, de bouse de vache et d’eau, on passait un genêt dans ce mélange et on badigeonnait le tour du pré avec pour ne pas que les vaches sortent. Après le remembrement, les parcelles ont été délimitées avec des clôtures électriques. La 1ère clôture électrique a été posée en 1961 pour se généraliser en 1965/1970. Certains « anciens » de l’époque avaient si peu confiance qu’ils continuaient à garder les bêtes malgré la clôture électrique!! »

« Les vaches étaient de race nantaise, il y avait quelques normandes au Pordor. »

« La race nantaise est arrivée vers 1850. C’était une bonne laitière, bonne productrice: elle mettait bas un veau par an, la mise bas était facile, elle était résistante aux maladies et se satisfaisait d’une nourriture simple et grossière. Les bœufs nantais étaient réputés pour leur force, leur calme et leur efficacité. »

Les races rustiques, dont la nantaise ont périclité à partir des années 50 avec l’arrivée du Plan Marshall. Les races hollandaises, Holstein sont arrivées et ont relégué la race nantaise. En 1986, il ne restait plus qu’une quarantaine de nantaises. Puis un plan de sauvegarde a vu le jour, le ministère de l’agriculture a reconnu officiellement l’existence de la race nantaise en 1997.

« Parfois des haies de saules délimitaient les parcelles: les jeunes pousses étaient données aux bêtes, les perches servaient à allumer le four à pain ou la cheminée. »

« Il fallait faire attention à ce que les vaches ne mangent pas « la foutairne », c’était une mauvaise herbe qui les faisait gonfler. Elles en mouraient si on ne leur mettait pas un coup de « trocard » (tube percé de trous, taillé en biseau en son extrémité) . Il y avait , au dessus de la hanche, un endroit précis par où le faire pénétrer. Les gaz sortaient de la panse par les trous du tube. Le vétérinaire ou le fermier pratiquaient cette opération.
Un avessacais nous dit avoir constaté que si les bêtes en mangeaient peu à la fois, elles supportaient mieux cette herbe. Si l’animal était mort, on ne pouvait pas manger la viande car elle était trop fibreuse. Le trèfle provoquait le même effet. »

« Les vaches étaient gardées par les femmes ou les enfants. Si un couple se trouvait sans enfant, il faisait appel, pendant les vacances à des enfants d’autres familles qui étaient pris en pension. »

« Les filles avaient l’obligation de s’occuper, de réaliser ce qu’on appelait « une tâche », comme par exemple tricoter. Pour vérifier qu’elles avaient avancé le tricot, leur mère nouait solidement, en guise de repère et avant le départ au mrais, un petit bout de laine. Il suffisait au retour de constater l’avancée du tricot!

Lorsque les foins étaient coupés et que les vaches pouvaient aller plus loin, les filles relâchaient leur attention et pouvaient plus facilement broder du linge. »

« Parfois , on demandait aux enfants de balayer le marais! Ils fabriquaient un « balai d’épines » ( des aubépines) et ramassaient les feuilles mortes qui serviraient pour la litière des bêtes. »

Quelques familles de Ste Marie ou La Chapelle Ste Melaine avaient des parcelles de marais sur la commune d’Avessac. Des conflits naissaient parfois ainsi entre les enfants des différentes communes qui défendaient chacun leur bout de pâture!! On se souvient même d’une rixe entre 2 femmes dont l’une avait eu la tête barbouillée de bouse de vache!!

Les garçons, eux, n’étaient pas tenus de travailler, ils s’adonnaient à différents jeux comme le cache cache.

« Les vaches étaient sorties toute l’année. Les jours de grand froid, on les sortait juste le temps de faire la litière. Si le marais était pris dans la glace, on cassait un bout de glace pour qu’elles puissent boire.

Elles étaient sorties le matin suffisamment tôt pour qu’elles aient le temps de pâturer et de rentrer avant la chaleur de midi, ce qui leur évitait de « moucher ». On ne les ressortait pas trop tôt dans l’après midi et on les rentrait pour la traite. Lorsqu’elles « mouchaient », elles avaient la queue en trompette, les jeunes bêtes commençaient à « moucher » les premières. Tout à coup, tout le troupeau suivait et elles rentraient parfois seules, au pas de course, à la ferme. C’était aussi un jeu que de s’amuser à les faire « moucher », en imitant le bruit de la mouche à leur oreille. Bien sûr, aucun ne se dénonçait, on disait simplement qu’elles avaient moucher seules! »

« Au goûter, on mangeait une tartine de pain beurré avec parfois une cive. Ca pouvait aussi être une galette froide. »

« Aujourd’hui, il n’y a plus de vaches au marais mais on fauche toujours. On fait 2 coupes. Les vaches, certaines années rejettent le regain, peut être à cause de la présence des roseaux, plus durs que lors de la première coupe et qui leur couperaient la langue. »

Entretien du marais

L’entretien du marais a toujours suscité des débats et des projets d’entretien, un des objectifs à atteindre étant d’améliorer la qualité fourragère.
Avant 1914, il était d’usage de former parmi les propriétaires des marais, des équipes nombreuses qui, périodiquement oeuvraient au curage des douves. « Le manque d’entretien durant la première guerre mondiale, l’absence d’organisation ont réduit le marais à un véritable état d’anarchie . Il n’y a plus de responsabilité. Les arrêtés des maires relatifs à l’entretien périodique restent lettre morte et aucune sanction ne suit leur non-exécution » ( compte rendu d’un ingénieur du Génie rural en 1952).

A part quelques douves qui appartenaient au syndicat des agriculteurs, toutes étaient privées. Au siècle dernier, chaque propriétaire entretenait ses douves, comblées par la vase et la végétation. Cette opération avait lieu à la fin du printemps et parfois à l’automne : on enlevait les herbes et on les mettait sur le bord, pour que l’eau puisse circuler. Le nettoyage était réalisé à la faux, avec des crocs, tous les 2 ou 3 ans. Dans les douves où il y avait toujours de l’eau, on enlevait la vase avec une pelle.

La circulation de l’eau était bien régulée. Ainsi des « pelles à marées » étaient installées sur les douves. C’était un clapet qui s’ouvrait ou se fermait selon les marées.

Aujourd’hui, il ne reste que quelques douves gérées par le syndicat mixte Eaux et Vilaine. Certaines années, une pelleteuse les entretient.

A la suite du remembrement, certains propriétaires se sont vus attribué des parcelles sans douve par conséquent des parcelles asséchées!

En 1980, la Vilaine a été curée. La rivière a été élargie de la moitié de son ancienne largeur, on a creusé le fond de 2 à 3 m. La vase a comblé les eaux dormantes, le niveau du marais étant plus bas que celui de la Vilaine, les eaux stagnaient, il n’y avait que par évaporation que le marais pouvait s’assécher. Les ouvriers ont comblé le marais, à l’aide de pipes lines, à raison de 3 litres d’eau pour 1 litre de vase. La Vilaine avait été curée de Arzal à Beslé. La vase sortie, elle prenait environ 15 m de large sur les parcelles de marais. Des petits barrages filtrants avaient été construits pour épurer la vase et laisser passer l’eau qui retournait à la Vilaine. Les terres étaient améliorées. On peut encore voir en certains endroits, en bordure du halage, des traces de sable, restes des alluvions sorties de la rivière.

Les haies de saules étaient entretenues: les perchons servaient au bois de chauffage, les petites branches étaient mises en fagots pour allumer le four à pain ou la cheminée. De plus, les saules permettaient de retenir l’eau grâce à leurs racines.

Les ressources du marais permettaient des activités autres que pêche, chasse et foin. En voici quelques unes.

« Le roseau, plante très dure et résistante, était récolté pour faire des toitures de grange. On en récoltait beaucoup à Murin. Il était entreposé dans la grange du domaine avant d‘être vendu.« 

« La technique de pose de toiture consistait à disposer 3 couches successives en dirigeant les épis la tête en haut. Ces épaisseurs étaient posées sur des percheaux de châtaignier puis fixées à l’aide de brins d’osier. Les bordures de toit étaient finies en roseaux qu’on allait couper à Kergouille. En faîtage, on posait la « pelée » (couche de terre herbeuse).
Le roseau servait aussi à la construction de petits bâtiments de ferme comme les poulaillers. »

« A Murin, la « hèche » était récupérée par des marchands chaisiers pour tresser des assises de chaise. »

« A Murin, des herbes aquatiques étaient ramassées par bateau. Elles étaient épandues sur les champs de sarrazin et constituaient un excellent amendement. »

« Le jonc servait à faire le joint d’étanchéité des barriques. Lorsque la réparation était nécessaire, le propriétaire de la barrique l’emmenait chez le cerclier du village avec des brins de jonc. »

« L’osier servait entre autres à fabriquer les nasses à anguilles. »

« La présence de l’eau permettait aux femmes de faire les lessives au marais ou en Vilaine. »

« La jeunesse était nombreuse, le marais très animé. C’était le point de rendez vous des jeunes. Le dimanche, ils s’y retrouvaient. Il y avait un bal annuel à Painfaut avec un accordéoniste. Les garçons et les filles s’y amusaient au grand dam du curé! Peu à peu, les jeunes des autres villages sont venus les rejoindre. Le curé demandait parfois aux filles qui avaient danser de venir à confesse! L’absolution se faisait parfois après 2 confessions! »

Pour les plus jeunes, c’était un terrain de jeux aux nombreuses activités, été comme hiver!!!
Nous avons déjà évoqué les activités des enfants durant les beaux jours: pêche à la grenouille, tricot, jeux de cache-cache, collecte des sangsues….mais les mauvais jours réservaient aussi leurs joies!!
« Lorsque le marais était gelé (en février 1963, le marais était pris sous 15 cm de glace), on pouvait aller jusqu’à Ste Marie ou la Chapelle Ste Melaine en glissant. On utilisait une échelle posée sur une planche. On faisait glisser ce traineau en piquant un « brau » ( croc à 2 dents) dans la glace. On pouvait aussi glisser sur les maillettes des sabots. Le marais restait parfois gelé 2 mois.
Mais les glissades se faisaient aussi en utilisant les vélos auxquels on avait ôté les pneus des roues. »

Un peu de littérature à propos du marais

Extrait de l’ouvrage « En passant par la Vilaine » – De Redon à Rennes en 1543

Afin d’améliorer le transport fluvial des marchandises, François 1er, en 1539,  autorise par lettres patentes, une levée de 24000 livres pour construire des écluses à sas et portes doubles. Tous les travaux ne furent pas réalisés et on ne sut pas où passa  l’argent! Ce n’est qu’entre 1575 et 1585 que les 10 écluses doubles seront réalisées entre Rennes et Messac.

1543: relevé du cours de la Vilaine de Redon à Rennes.

1783: création de la commission de navigation intérieure des Etats de Bretagne, chargée des travaux de canalisation des rivières bretonnes.

1784: ouverture solennelle des travaux sur la Vilaine entre Redon et Rennes, entreprise sous l’égide de la Commission de navigation des états de Bretagne.

1784- 1789: creusement des canaux de Lanrua (à Redon) et Painfaut. Aménagement du chenal de Murin.
Section Le Pordor- Lac de Murain: la navigation y est très difficile d’une part parce que la rivière s’étend aux marais au risque de s’y confondre en période de crues, d’autre part parce qu’elle peut se trouver à sec en périodes de basses eaux.                                                       

Section Le Pordor- Lac de Murain: la navigation y est très difficile d’une part parce que la rivière s’étend aux marais au risque de s’y confondre en période de crues, d’autre part parce qu’elle peut se trouver à sec en périodes de basses eaux. Il arrive très souvent que le gué du Gravier reste en été presque à sec, ce qui oblige les bateliers d’y attendre que les grandes marées des nouvelles et pleines lunes y refoulent l’eau afin de pouvoir passer les bateaux. Quant à Lézin, tous les étés, on est obligé de délester les barques chargées à Redon, d’en verser les marchandises en plusieurs petits bateaux que l’on traîne avec des câbles sur le lac de Murain. Profonde modification des lieux à la fin du 18ème siècle: creusement du canal de Painfaut qui sépare Painfaut de La Roche. Le méandre était ainsi coupé. La limite paroissiale, plus tard la limite départementale n’en furent pas modifiées et sont toujours fixée sur l’ancien cours de la Vilaine.
Le lac de Murin était appelé « vieille mer » dans l’aveu de l’abbé de Redon en 1580. Il forme un paysage amphibie caractéristique du pays de Redon et propice aux légendes. Les marécages, inondés une partie de l’année, servent de pâturages. Ce sont des terres communes des paroisses de Brain, Bains, Massérac et Avessac, qui en tirent un grand profit: on y fait paître des bestiaux et on y pratique la pêche. On y prélève aussi des « herbes marécageuses » qui servent d’engrais.
Les seigneurs (abbés de Redon) et ces paroisses s’opposent aux domaines du roi qui revendiquent pour la couronne la propriété de ces marécages et leur concession à des particuliers (en 1682,1750,1780).
En 1784, la traversée du lac de Murain fut facilitée par le creusement d’un canal sur la rive droite.

Section lac de Murain- Le Port do
La vue décrit l’une des sections où la navigation est très difficile, d’une part parce que la rivière s’étend aux marais- dont vraisemblablement celui de Gannedel proche de Port Lézin- au risque de s’y confondre en périodes de crues, d’autre part parce qu’elle peut se trouver à sec en période de basses eaux. Un texte de 1780 cite précisément les lieux indiqués, le Gravier et Port Lézin, comme des passages délicats: « il arrive très souvent que le gué du Gravier reste en été presque à sec, ce qui oblige les bateliers d’y attendre que les grandes marées des nouvelles et pleines lunes y refoulent l’eau afin de pouvoir passer les bateaux ».Quant à Lézin, « tous les étés, on est obligé d’y délester les barques chargées à Redon, d’en verser les marchandises en plusieurs petits bateaux que l’on traîne à bras avec des câbles sur le lac de Murain »…
La physionomie des lieux a été profondément modifiée à la fin du 18ème siècle, lors de la reprise des travaux de canalisation de la Vilaine, quand, pour couper le grand méandre, fut creusé le canal de Painfaut, qui sépare Painfaut et La Roche d’Avessac, leur paroisse. La limite paroissiale n’en fut pas modifiée, ni, plus tard, la limite départementale, fixée sur l’ancien de la Vilaine. L’activité économique est évoquée par les filets des pêcheries.

Extrait de « Redon et ses environs » de Joseph Desmars 1869

Après Avessac, la voie ferrée s’enfonce dans d’immenses marais inondés l’hiver et bordés au nord par une chaine de collines que surmonte l’élégante église de Ste Marie. Du milieu des eaux, s’élève l’ile de Penfao (tête de hêtre), qui, après avoir été avec ses écluses et ses pêcheries, une dépendance de l’abbaye de Redon, releva plus tard de la chatellenie de Renac.
Les écluses de Penfao n’existent plus mais les habitants du village pêchent encore de bonnes et valables anguilles, non plus pour leur seigneur de Renac, mais pour les marchés de Redon, Rennes et Paris. Enfermés chez eux pendant neuf mois de l’année, ils vivent de la rivière et lui demandent, en outre du poisson qui les nourrit, l’engrais qui fertilise leur sol. Montés sur de légers batelets, ils vont au printemps, draguer une énorme quantité de charas et autres plantes aquatiques. Ils sillonnent dans tous les sens le vaste estuaire qui, s’étendant entre Brain, Massérac, Avessac et Penfao, est connu dans le pays sous le nom de mer de Murain.
C’est dans cet immense lac d’une contenance de 164 hectares, entre les coteaux de Roland et de Pembu, que vient, des environs de Chateaubriant, se perdre un des principaux affluents de la Haute Vilaine, le Don, qui, grâce à des travaux de canalisation récemment entrepris, va ouvrir au canton de Guémené un nouveau débouché à l’exportation agricole.