La flore des marais

Les marais de Redon offrent une grande diversité floristique mais les espèces inféodées à ce milieu étaient beaucoup plus nombreuses avant 1975. Les aménagements hydrauliques, notamment la construction du barrage d’Arzal, ont en effet profondément modifié les écosystèmes. Ainsi, le barrage a supprimé la remontée des eaux salines dans l’estuaire de la Vilaine, modifiant ainsi la flore. Le phénomène de remontée des eaux marines est le mascaret. Ce courant salé venait jusqu’à Redon et  les jours de grandes marées, plus en amont: la limite de salure des eaux se situait à la cale de Brain sur Vilaine.

Les pratiques de fauche et de pâture dans ces zones humides ont favorisé l’installation d’une flore très riche que l‘on ne rencontre pas dans les zones cultivées. Par ruissellement, les fertilisants (nitrates et phosphates) et les pesticides utilisés pour l’agriculture environnante, péjorent la qualité des eaux du marais, la biodiversité s’amenuise, les écosystèmes se dégradent. De plus, les fossés sont moins entretenus, moins curés. Certaines espèces invasives en profitent pour s’installer et proliférer. Cette colonisation végétale fait peu à peu disparaître les surfaces d’eau.
Par ailleurs, l’abandon des pratiques de pâture et de fauche a provoqué l’installation de nombreux saules, aulnes et pins.

Dans le cadre du projet Natura 2000, environ 50 espèces classées d’intérêt patrimonial ont été recensées dans le marais.

Le marais de Murin a conservé des surfaces d’eau libre malgré le développement important de nénuphars et de plantes exotiques (jussie, élodée dense) qui ont tendance à coloniser ces espaces et à faire disparaître totalement certaines espèces. Ainsi la présence de la châtaigne d‘eau a disparu depuis 1999.

Les prairies humides ou inondables, les marais, les bordures de rivière constituent l’ensemble des zones humides. La flore qui se développe au contact de ces zones humides est variée. Selon les espèces, les végétaux peuvent flotter sur l’eau, être enracinés sur le fond ou les berges avec des feuilles soit immergées (élodée, potamot, renoncule) soit flottantes (nénuphar), soit émergées (roseau).
Une première ceinture végétale présente des plantes immergées qui se développent dans l’eau. Elles peuvent être fixées ou flotter librement à la surface de l’eau.
Les végétaux s’adaptent à la vie aquatique: leurs feuilles flottantes sont larges et arrondies en surface. Sous l‘eau, les tiges, d’une longueur en rapport avec la profondeur de l’eau sont étroites, divisées en segments plumeux et flottent au gré des mouvements de l‘eau. Elles peuvent être transformées en flotteur.
Dans la seconde ceinture, on observe des plantes semi-aquatiques qui poussent les « pieds » dans l’eau mais développent des organes aériens importants. Elles ne supportent pas une immersion totale. Dans cette zone, les roseaux et massettes (typhas) constituent la roselière. S’implantent ensuite les laîches qui forment la cariçaie.
Une dernière ceinture regroupe la végétation terrestre des prairies humides tels que les joncs, les œnanthes.

a) Les plantes communes

La grande laîche (genre Carex)

Ces plantes forment des touradons, grosses touffes qui peuvent atteindre jusqu’à 1 mètre de hauteur par rapport au niveau moyen du sol et qui résultent de la persistance, au cours des années, de la souche et des feuilles basales sèches de certaines plantes herbacées.
Les zones où poussent les grandes laîches sont appelées des magnocariçaies: ce sont des zones herbacées denses qui s’installent après les roseaux, vers la terre ferme. Ce sont les premières plantes que l’on trouve en arrière des roselières. Elles se développent sur des sols toujours humides où les variations de l’eau peuvent atteindre 60cm et sont suivies d’une période d’assèchement.
Les magnocariçaies contribuent, en l’absence de rajeunissement, au comblement des zones humides pour évoluer ensuite vers des formations boisées de saules, d’aulnes. L’abandon de la fauche traditionnelle ainsi que la diminution des périodes de submersion contribuent également à ce phénomène d’embroussaillement.
Elles constituent un milieu qui permet à certaines espèces animales de se nourrir et de se reproduire (fauvettes aquatiques, hérons, râles d’eau, amphibiens…..); elles abritent des plantes rares ou en régression et jouent un rôle important de filtre de la pollution terrestre. En effet, lors des périodes de submersion, elles piègent les nutriments contribuant à l’asphyxie des eaux.
Les épidermes des laîches sont fortement imprégnées de silice, ce qui rend leurs feuilles coupantes.
La grande laîche était autrefois exploitée pour la litière du bétail, sa productivité végétale est très élevée.

Les roselières: vrais et faux roseaux (Phragmite communis)

Les inflorescences du roseau commun ou petit roseau étaient utilisées pour faire des petits balais d‘où son appellation de roseau à balai.
Les roseaux communs sont considérés comme des plantes envahissantes.

Roseau commun ( Phragmite communis)

 

Le faux roseau ou alpiste roseau (Phalaris arundinacea ) était utilisé surtout comme litière, ou comme fourrage de basse qualité.
Cette espèce est aussi reconnue pour être une des seules de cette famille à contenir du « DMT », une substance hallucinogène puissante.

faux roseau ou alpiste roseau ( Phalaris arundinacea)

Les roselières jouent un rôle de filtre mécanique en retenant les sédiments. Elles participent à l’amélioration de la qualité de l’eau en stockant les nutriments (phosphore, nitrates), et surtout en épurant les bactéries autour de leur système racinaire .
Les roselières sont également le siège d’une forte production de matière organique. Ces qualités sont à l’origine d’une grande richesse en invertébrés, source de nourriture des poissons et oiseaux (gorgebleue à miroir, rousserolle effarvatte, phragmite, butor). Les roseaux servent aussi de refuge à certains poissons et de support à leurs pontes.
Les roselières abritent une faune riche et variée. On y trouve par exemple de nombreux batraciens et insectes. Pour les canards, les roselières sont soit des zones d’hivernage, soit des étapes migratoires où ils font halte pour reprendre des forces, soit des sites de nidification. Les grandes roselières sont également le principal habitat du busard des roseaux. Le phragmite aquatique est l’un des passereaux les plus rares du continent européen ; ses principales haltes migratoires se trouvent dans les roselières de l’ouest de la France.

Les roselières se dégradent. La cause première de dégradation est l’envahissement par la végétation ligneuse, en particulier le saule et le bouleau. En fait, il s’agit souvent d’un processus naturel consécutif à l’abaissement du niveau d’eau, lui-même engendré par l’accumulation de sédiments et de matière organique. La seconde cause citée est le comblement des zones humides qui entraîne une évolution floristique au détriment des roseaux. Consécutif au même abaissement du niveau d’eau, le comblement fait évoluer la roselière soit vers la prairie, soit vers la formation boisée. On constate donc que l’étude de la végétation montre une évolution progressive vers des végétaux de moins en moins hygrophiles (qui affectionnent les milieux humides).
Par ailleurs, des espèces végétales envahissantes peuvent dégrader la roselière : c’est le cas du liseron (espèce autochtone) qui capte à son profit la lumière et de la jussie.

La grande glycérie (Glyceria maxima) et les nénuphars sont menacés par l’extension de la jussie

La grande glycérie est aussi connue de longue date pour être l’une des plantes qui contient le plus d’acide cyanhydrique, cette caractéristique la rendant particulièrement toxique pour le bétail. Il faut toutefois souligner le fait que les seules mentions de problèmes liés à la toxicité de cette plante pour le bétail proviennent des zones où elle a été implantée par l’homme.
On lui reconnaît tout de même quelques vertus comme sa capacité à prévenir l’érosion des berges et aussi à héberger des oiseaux nicheurs et d’autres animaux.
Les peuplements de grande glycérie sont généralement associés à une flore riche.
La grande glycérie, peut atteindre 2 m de haut et possède un système racinaire important, jusqu’à environ 1m de profondeur. Elle possède aussi un réseau rhizomique dense qui représente 40 à 55% de la biomasse totale de la plante. Ces rhizomes produisent un grand nombre de rejets; ceux ci permettent une extension rapide de la plante. Leur croissance ralentit puis s’arrête avec la baisse des températures hivernales. Elle reprend au printemps avec une quantité de nouvelles pousses à partir de bourgeons situés le long des rhizomes. La majorité des nouvelles pousses est seulement végétative sur les anciens pieds bien établis, mais, sur les jeunes plants, les pousses sont aussi florales.

La grenouillette est une petite plante flottante ressemblant à un petit nénuphar. L’espèce s’installe souvent dans des mares calmes stagnantes, dans des canaux aménagés ou dans un marais épars, entremêlée à des plantes émergentes.

Les buissons de piment royal atteignent généralement 1 à 2 m de hauteur.
Le feuillage odorant est un répulsif naturel et traditionnel. La plante est utilisée aussi en parfumerie et comme épice.

b) Plantes protégées, rares ou menacées (selon l’inventaire de Natura 2000)

Le fluteau nageant est une espèce protégée, classée par Natura 2000 comme espèce d’intérêt communautaire. On l’observe dans les ruisseaux ou les douves aux eaux plutôt acides.

L’utriculaire des marais est une plante carnivore aquatique. Comme toutes les utriculaires, elle ne possède pas de racine. Elle se présente sous la forme de rameaux verts, comme des lanières, flottant à la surface de l’eau, pouvant atteindre des dimensions considérables (jusqu’à 1,50 m de long). Les feuilles portent des épines et de nombreuses utricules (petites outres qui servent à la capture de petits animaux aquatiques) . Les fleurs sont portées par une hampe florale 2 à 3 fois plus longue que les feuilles.

c) Les Plantes envahissantes

La jussie (Ludwigia grandiflora)

La jussie  est une plante vivace aquatique, originaire d’Amérique du Sud ou du Sud des États-Unis. A l’origine, elle était vendue en France pour la décoration des aquariums ou des bassins, mais, depuis les années 1990, elle est devenue une redoutable envahisseuse des milieux naturels humides et aquatiques calmes. Elle colonise les fossés, les douves et tous les plans d’eau du marais, comme à Painfaut ou Murin, en Avessac. Sur les prairies humides, elle développe une forme terrestre. Elle représente une véritable menace pour les herbiers naturels.
Elle produit de longues tiges se développant horizontalement dans l’eau, sur l’eau ou la boue. Ses racines peuvent atteindre 3 m de profondeur et les tiges peuvent pousser jusqu’à 1 m au dessus de la surface. La floraison débute en été et se poursuit longtemps. Elle a un effet remarquable par la taille relativement grande des fleurs qui peuvent dépasser 5 cm de diamètre et par leur couleur d’un jaune très lumineux.

Cette plante ne demande pour se développer qu’un sol humide, une exposition ensoleillée ou de la mi-ombre.
Moyennant quoi elle se développe très rapidement, par bouturage, doublant sa masse toutes les 2 à 3 semaines
La jussie qui rencontre des conditions favorables forme des herbiers très denses voire inextricables qui éliminent d’ autres plantes servant d’abri à la micro-faune, aliment de base des poissons.
L’écoulement de l’eau s’en trouve ralenti et les sédiments ou matières organiques transportés par l’eau sont ainsi piégés et viennent combler les fonds.
Les activités humaines sont perturbées : la navigation, l’irrigation, la pêche, etc…
Lorsque cette grosse masse de végétation se décompose, à cause du froid par exemple, il se crée un déficit en oxygène nuisible aux habitants des lieux.

Le pouvoir invasif redoutable de la jussie est dû surtout à la très grande difficulté, voire l’impossibilité de s’en débarrasser et cela pour plusieurs raisons :
– ses racines peuvent s’enfoncer jusqu’à 3 m dans le sol
– bien que le gel détruise ses parties aériennes ou semi-immergées, il suffit d’une partie de rhizome protégé par de la boue, sur les berges par exemple, pour que la plante survive.
– la plante se multiplie facilement par bouturage naturel à partir d’un fragment de tige qui régénère une plante entière
– les animaux herbivores dédaignent cette plante qui ne fait pas partie de leur menu habituel
– les essais de désherbage chimique ne sont pas concluants.

Elle est nuisible aux activités humaines et au milieu du marais:
• elle comble les zones humides,
• asphyxie le milieu,
• détruit la biodiversité,
• certaines espèces de la faune piscicole changent de territoire,

La jussie est régulièrement combattue par des techniques d’arrachage mécanique ou manuel.

L’élodée dense (Elodea canadensis)

Elle ne pousse que sous la surface de l’eau. Seules ses petites fleurs blanches émergent.

Cette plante est caractérisée par des tiges grêles d’un diamètre de 0,5 cm qui peuvent atteindre 3 m de longueur. La plante produit facilement des ramifications lorsqu’elle est brisée. Des feuilles poussent alors par groupes plus fournis à l’endroit de la cassure. L’élodée dense produit des racines qui peuvent s’enfoncer à plusieurs centimètres de profondeur dans le substrat.

L’élodée dense se reproduit par multiplication végétative. Lorsque les tiges cassent, elles sont transportées par le courant et s’ancrent plus en aval, dans un endroit calme. Elles peuvent ensuite « se réveiller » et se multiplier.

L’élodée a été découverte pour la première fois en milieu naturel en 1961 dans un barrage d’un cours d’eau du département de la Manche : la Sélune . La présence de cette plante en Europe est toutefois beaucoup plus ancienne. La plante fut introduite au début du XX ème siècle et fut même cultivée dès 1919 à des fins d’expérimentation dans les laboratoires de physiologie végétale et pour l’aquariophilie. Elle est d’ailleurs vendue en animalerie sous l’appellation d’Anacharis. En effet, cette plante est très prisée des aquariophiles, qui par mégarde ou méconnaissance peuvent la déverser dans les milieux naturels.
Dans le bassin versant de Loire-Bretagne, sa présence fut notée sur l’Erdre dès 1962. Elle se développe aux alentours de 16 °C mais elle peut supporter de fortes variations de températures : elle peut croître dans des eaux à 25 °C et on l’a vue survivre sous la glace.

Elle supporte bien les faibles luminosités, ce qui lui permet de coloniser des endroits peu éclairés et donc de s’installer dans une plus grande gamme de zones.

Cette adaptabilité lui permet de croître et d’augmenter sa biomasse plus rapidement que les plantes autochtones. Elle forme alors des herbiers qui provoquent un ombrage important et limitent le développement des autres espèces, la lumière ne peut donc plus pénétrer profondément dans l’eau. Au bout de quelques saisons, les autres plantes se retrouvent cantonnées sur de petites surfaces encore inaccessibles aux élodées denses.

d) Les arbres

Les arbres s’installent dans le marais lorsque l‘activité humaine disparaît. De plus, la construction du barrage d’Arzal ayant supprimé les remontées d’eau saline, les arbres ont trouvé un milieu propice à leur adaptation. Des zones auparavant toujours inondées ont disparu et se sont transformées en zones peu ou pas inondées en permanence, favorisant ainsi le développement d’une flore typique constituée de nouveaux arbres.

L’aulne glutineux (Alnus glutinosa)

Il doit son nom à la viscosité de ses bourgeons et de ses jeunes feuilles. On l’appelle aussi aulne noir ou aulne poisseux.
On le rencontre surtout le long des ruisseaux, dans les vallons latéraux au lit de la Vilaine. Il constitue un excellent bois de chauffage.
Du fait de son habitat dans les marais et de la couleur rouge sang de son bois fendu, l’aulne était associé aux sorcières. On lui attribuait le pouvoir d’éloigner le feu des maisons ou les rongeurs des champs, et de faciliter la mise-bas du bétail.
L’aulne est utilisé pour reboiser des terres incultes. Il est efficace, comme le saule, dans le maintien des berges grâce à son système racinaire profond.
Son bois est léger, tendre, mais il tend à se fendre. Une fois coupé, il se colore de rouge à l’air, ce qui lui a valu des superstitions. De plus, l’aulne fut utilisé pour construire des gibets ! Il est réputé imputrescible et durcit au contact de l’eau. On en fit des pilotis à Venise et des sabots ; de l’écorce et des rameaux, on extrayait la teinture noire des feutres. L’écorce contient des principes fébrifuges.

 Le frêne commun (Fraxinus Excelsior)

Ses feuilles constituent un bon fourrage, un bon bois de chauffage. On peut utiliser ses feuilles pour fabriquer une boisson fermentée: la frenette.

Le peuplier tremble (Populus tremula)

Il doit son nom au fait que ses feuilles s’agitent au moindre souffle de vent.
On le trouve en limite de marais; il drageonne beaucoup et sa présence prend la forme de tâches constituées de plants issus d’un seul pied mère.

Le chêne pédonculé (Quercus robur)

Le chêne pédonculé est une espèce pionnière, c’est à dire qu’il est prêt à coloniser des terres abandonnées. Il préfère des sols profonds, frais et bien alimentés en eau.
On le trouve sur les sols un peu plus élevés que les sols inondés en permanence: sur un début de pente, un talus, une bosse dans le marais; il résiste peu à la sécheresse. Un chêne adulte produit de 50 à 100 kilos de fruits, soit environ 15 000 glands. Sur les zones où le marais est encore utilisé pour la fauche ou la pâture, il est cantonné en petits bosquets.

Le saule blanc (Salix alba)

C’est un bois facile à travailler, se courbant facilement. Les riverains du marais l’utilisaient en vannerie. L’arbre était souvent conduit en têtard pour obtenir de l’osier. Les brins sont très flexibles et résistants.
La feuille du saule blanc était parfois utilisé  comme leurre pour la pêche aux carnassiers (brochets, perches, sandre). Fixée à un hameçon plombé, la feuille du saule blanc réagit dans l’eau comme un petit poisson appâtant les plus gros!

L’écorce du saule blanc contient un composant (la salicine ) qui entrait dans la préparation de l’aspirine.

Cette présentation de la flore du marais n’est pas exhaustive. Ont été présentées les espèces rares , menacées, protégées, invasives, inféodées au marais.

 

On observe par ailleurs une flore plus commune, diversifiée, composée d’espèces telles que: salicaire, lotier des marais, saponaire, iris faux acore……..